Quelques caractéristiques originales de Mars révélées par les Mariner 6 et 7
Si toutes leurs données n’ont pas encore été analysées finement, les Mariner 6 et 7 ont déjà contribué à rendre la planète Mars son originalité : alors que les astronomes en avaient ‘abord fait une planète très « proche » de la Terre, on devait conclure des photographies de Mariner 4 que sa surface présentait un certain nombre de reliefs « lunaires » ; on sait maintenant que Mars possède des caractéristiques qui lui sont propres et qu’on ne retrouve actuellement nulle part ailleurs dans le système solaire.
Rappelons que les sondes emportaient 2 caméras de télévision dont les formats d’images et les circuits électroniques étaient identiques et qui travaillaient en alternance ; l’une d’elles (A) avait un champ de 11 x 14 degrés et un obturateur rotatif portant 4 filtres (rouge, vert, bleu, vert) ; l’autre (B) avait une distance focale dix fois plus grande (champ 1,1 x 1,4 degré), avec un filtre jaune.
Au total, Mariner 6 a fourni 50 images avant l’approche immédiate de la planète (entre 7 400 et 3 700 km de distance) et 26 lors de celle-ci ; les chiffres correspondants pour Mariner 7 sont de 93 (entre 9 250 et 3 800 km de Mars), et 33; ce qui correspond, pour les 2 sondes, à 200 fois plus d’images que celles fournies par Mariner 4.
Pendant les 5 jours qui précédèrent l’heure d’approche maximale de Mars, la caméra B a transmis à l’antenne de Goldstone, à la cadence de 16,2 kbits/s, des images montrant la totalité de la surface de la planète au fur et à mesure de sa rotation sur elle-même, à des échelles différentes et sous des conditions d’éclairement variées.
Les trajectoires avaient été calculées pour que Mariner 6 « couvre » de nombreuses régions situées dans la zone de transition entre surfaces éclairées et surfaces dans l’ombre, deux « oasis » martiens (Juventae Fons et Oxia Palus) et une région dont la luminosité est variable (Deucalionis Regio) ; quant aux photographies de Mariner 7, elles devaient « recouper » partiellement celles de l’autre sonde, tout en « couvrant » la calotte polaire Sud et en traversant la région de l’Hellespont, intéressante parce qu’on y voit se déplacer des plages obscures, et le désert brillant de l’Hellas.
L’atmosphère martienne
La première remarque que l’on fait au vu de ces documents est que la surface de Mars, généralement nettement visible, n’est voilée par des nuages ou de la brume que dans certaines régions polaires et quelques zones limitées. Si on constate ensuite que cette surface piquetée de cratères a une apparence lunaire, il faut corriger cette observation en se souvenant que les caméras déforment la réalité en augmentant jusqu’à les rendre 3 forts plus forts les contrastes dus aux variations locales de luminosité, contrastes qui sont à nouveau augmentés lors de l’impression finale des photographies. En fait, les contrastes lumineux sont nettement plus faibles sur Mars que sur la Lune, pour des conditions d’éclairement identiques. Mais il faudra attendre les conclusions des mesures photométriques, qui pourraient révéler l’existence d’une brume atmosphérique très légère qui voilerait en fait l’ensemble des images.
Certaines de ces dernières prouvent l’existence de couches diffusantes dans l’atmosphère ; elles sont stratifiées horizontalement, comme le sont les couches d’aérosols dans l’atmosphère terrestre, et leur épaisseur est d’une dizaine de kilomètres, tandis que leur altitude varie selon les zones de 15 à 40 km.
Ces observations semblent d’ailleurs confirmées par l’assombrissement notable dans la région polaire Sud remarqué sur les images prises « de loin », impossible à attribuer uniquement à des nuages locaux puisque la surface apparaît au contraire bien dégagée sur les images vues « de près » ; cet assombrissement pourrait donc s’expliquer par la présence dans cette région d’une couche optiquement mince d’aérosols, soit par des caractéristiques photométriques particulières de la calotte polaire.
Le relief martien
Il semble qu’on puisse distinguer sur les photographies des Mariner 6 et 7 au moins trois types de régions à la surface de la planète, sans qu’on puisse nécessairement associer l’un deux à certaines zones qui apparaissent comme plus ou moins sombres depuis la Terre.
Les régions de cratères. Apparemment plus nombreux dans l’hémisphère Sud, les cratères, presque tous situés dans les parties sombres, peuvent être classés en deux groupes, selon leur morphologie et leur distribution géographique ; les uns sont de grande taille (diamètre, de quelques km à plusieurs centaines de km) et ont un fond plat (rapport diamètre/profondeur, de 100 à 1) ; les autres sont plus petits et ont une forme de cuvette arrondie, avec parfois des pentes de 20 degrés. On remarque d’autres différences, certains cratères ayant la forme d’un polygone aux contours très nets ; mais on ne retrouve ni « vallées » lunaires ni groupements de petits cratères secondaires, pas plus que des formations tectoniques ressemblant à celles qu’on trouve sur Terre, comme les chaînes de montagnes.
Cette absence indique que la croûte martienne n’a pas subi de forces d’origine interne comme celles qui continuent à modeler la Terre.
Dans la mesure où les grands cratères sont probablement extrêmement anciens, on peut penser que l’intérieur de la planète est et a toujours été beaucoup moins actif que celui de la Terre.
L’âge de ces cratères ne peut être établi que par comparaison avec les reliefs lunaires ; dans le cas de Mars, on estime que le bombardement des météorites par unité de surface a été 25 fois plus fort que sur la Lune, d’où il faudrait déduire, si on admettait que ces excavations ont toutes une telle origine, que la planète aurait plusieurs milliards d’années. En fait, si cette origine était confirmée, il serait curieux qu’on n’ait découvert aucune formation de cratères secondaires, pas plus que de cratères à l’apparence récente.
Au contraire, les régions où les cratères sont les plus nombreux présentent un aspect uniforme, ce qui fait plutôt penser que les cratères martiens ont tous à peu près le même âge et constituent une caractéristique fondamentale du sol ; il faut en conclure que ces régions extrêmement anciennes et dont l’apparence n’a guère été modifiée n’ont pas subi d’érosion du fait de l’eau et donc que Mars n’a jamais possédé une atmosphère dense comme celle de la Terre ; sur notre globe en effet, aucune forme topographique ne survit plus de 100 millions d’années à moins d’être renforcée par une activité tectonique.
Une forte érosion a cependant remodelé les terrains dits chaotiques, sans affecter les régions de cratères; ces terrains chaotiques auraient-ils été recouverts de glaciers qui auraient disparu en laissant des ensembles de moraines ? En tout cas, on ne possède aucune preuve d’activité volcanique sur Mars.
Quant aux images de la calotte polaire, elles ne donnent aucune indication directe sur l’épaisseur de la couche de « neige » qui la recouvre partiellement ; mais l’aspect des cratères et des reliefs locaux suggère que certains de ces derniers pourraient être formés par des accumulations plus ou moins épaisses (plusieurs mètres au moins) de cette « neige ». La structure du bord de la calotte martienne montre que l’évaporation de la neige dépend fortement de l’inclinaison des pentes locales par rapport au Soleil.
Les régions chaotiques. Il s’agit de zones pratiquement dépourvues de cratères (on n’en devine par exemple que trois sur une surface d’un million de km²), vastes ensembles de dépression coupées de crêtes de terrain, de 1 à 3 km de largeur et de 2 à 10 km de longueur.
Les régions informes. Il existe enfin des « déserts », eux aussi sans cratères et presque plats, sans équivalent connu sur la Lune.
Au moins 2 des « canaux » martiens visibles depuis la Terre ont été repérés ; ils coïncident en fait avec des alignements quasi linéaires de cratères au fond sombre ; d’autres sont formés de surfaces sombres aux formes irrégulières.
Du point de vue biologique
Il est évident qu’on n’a pu détecter sur des images dont le pouvoir maximal de séparation est de 300 m la présence d’une forme de vie, qui ne pourrait – selon toute hypothèse – être que microbienne. On a cependant obtenu confirmation de ce qu’avait appris mariner 4, à savoir que c’est l’extrême rareté de l’eau qui semble le facteur le plus préjudiciable à l’existence de vie sur Mars ; aucun organisme terrestre ne pourrait vivre dans une telle sécheresse : seules quelques régions pourraient offrir un support à des formes vitales si les faibles quantités d’eau détectées dans l’atmosphère y trouvent des sites favorables à leur condensation.
Si du méthane et de l’ammoniac avaient selon certains été détectés à l’état gazeux, il ne s’agit en fait que d’une erreur d’interprétation rapidement reconnue.
Article publié dans la revue du CNES « LA RECHERCHE SPATIALE – Volume VIII – N°12 – DECEMBRE 1969 »