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Troisième satellite européen, HEOS-A1 circule sur orbite très elliptique

Depuis le 5 décembre 1968, l’Organisation européenne de recherches spatiales (CERS-ESRO) dispose d’un troisième satellite scientifique en fonctionnement dans l’espace. Après IRIS et AURORAE, lancés les 15 mai et 3 octobre 1968, HEOAS-A1 a en effet été mis sur orbite, depuis Cap Kennedy, par une fusée américaine Delta améliorée.

Il s’agit pour HEOS-A1 d’étudier, en période d’activité solaire maximale, les caractéristiques physiques de certains phénomènes (champs magnétiques, rayonnements cosmiques, vent solaire), dans le milieu interplanétaire proche au-delà de la zone d’influence de la Terre et de son champ magnétique propre.

Comme le dit son nom, HEOS-A1 (Highly Eccentric Orbiting Satellite) parcourt une trajectoire très elliptique qui l’éloigne jusqu’à quelque 225 000 km de la Terre (soit les 2/3 de la distance Terre-Lune ; inclinaison sur l’équateur, 28° ; périgée initial, 425 km ; période de révolution, environ 4,5 jours).

L’orbite très excentrique d’HEOS-A1.

D’abord placé sur orbite d’attente, HEOS-A1 a été injecté sur sa trajectoire en un point situé au-dessus de l’Océan indien, de façon que son apogée soit « vu » nettement au-dessus de l’équateur dans l’hémisphère Nord ; c’était une condition indispensable pour que les 2 stations européennes situées à Redu (Belgique) et à fairbanks (Alaska), distantes de 180 degrés de longitude, reçoivent les télémesures (données transmises en temps réel au rythme de 12 bits/s) de façon presque continue ; en cas d’indisponibilité de l’une de ces stations, c’est celle du Spitzberg qui prendra le relais, sa latitude très élevée lui permettant de voir presque constamment HEOS-A1.

Au contraire, pendant les premières phases du lancement, ce sont des stations du réseau NASA et du réseau français du CNES (Brazzaville, Ouagadougou et Pretoria) qui ont pu « écouter » le satellite ; elles poursuivent ces travaux pour compléter les données reçues lors des passages au périgée par la station du CERS établie aux îles Malouines (îles Falkland).

Les ordres de télécommande (70 ordres possibles) sont émis depuis Redu, ce qui permet de contrôler le satellite en temps réel depuis le Centre européen de Darmstad, tout proche.

Les informations de localisation proviennent de Redu, de Fairbanks et des installations françaises de Kourou et de Pretoria, capables de suivre le satellite jusqu’à son apogée.

Pendant quelque 80 heures au cours de chaque orbite, durant les 4 premiers mois de sa vie utile fixée à un an, Heos-A1 étudiera donc le milieu interplanétaire grâce à 8 ensembles expérimentaux préparés dans des laboratoires britannique, belge, italien, allemand et français* (mesures du champ magnétique interplanétaire et de ses irrégularités, du flux et de la répartition suivant l’énergie de particules de rayonnements cosmiques, étude de la distribution angulaire et de l’énergie du vent solaire, etc.).

* Imperial College de Londres (3 expériences), Universités de Rome, Florence et Bruxelles (expérience commune), Centre d’études nucléaires de Saclay (2 expériences, dont une avec l’Université de Milan) et Institut Max Planck de physique extraterrestre de Munich.

HEOS-A1. Intégration du satellite au Centre européen de recherches technologiques spatiales (ESTEC) à Noordwijk (Pays-Bas). Le satellite, de forme grossièrement cylindrique (diamètre, 130 cm ; hauteur, 70 cm), est muni d’un bras axial (170 cm de longueur) supportant antennes et magnétomètres.

Une de ces expériences implique le largage par le satellite à quelque 20 000 km de distance de la Terre d’une capsule de 2,5 kg de baruym et d’oxyde de cuivre qui doit exploser quand elle se trouve à environ 40 km du satellite, pour ne pas risquer d’endommager les cellules solaires ; le nuage ainsi créé comporte des centaines de milliards de particules ionisées qui réfléchissent la lumière solaire ; plusieurs observatoires d’Amérique du Nord et du Sud le photographieront pour déduire de son comportement des indications sur le champ magnétique local.

Pesant 108 kg et stabilisé par rotation, Heos-A1 est doté d’un système de contrôle d’attitude qui permet de modifier par télécommande la direction de son axe de rotation ; on peut ainsi faire varier le plan de balayage de plusieurs détecteurs tout en procédant à leur étalonnage les uns par rapport aux autres.

L’énergie électrique est fournie à bord par des cellules solaires ; étant donné sa trajectoire, le satellite ne reste pas plus d’une heure de suite dans l’ombre de la Terre pendant les six premiers mois de sa vie utile et jamais plus de trois heures ; seul le récepteur de télécommande est alors alimenté, ce qui a permis de ne monter à bord que des batteries de faibles capacités (5 Ah).

Le système de contrôle thermique est entièrement passif (choix des revêtements et peintures de surface), le satellite étant stabilisé par rotation, selon un axe approximativement perpendiculaire à la direction du Soleil.

Une des caractéristiques spécifiques d’HEOS-A1 est sa « propreté » magnétique : il fallait éviter que le moment magnétique permanent du  satellite fausse les mesures du champ magnétique de l’espace interplanétaire ; les essais préalables au lancement ont montré que le champ induit était en effet très réduit (voisin de 0,15 gamma ; le gamma est la cent millième partie du gauss et la milliardième du tesla).

L’organisation du projet

C’est en juillet 1964 que le CERS a éprouvé l’idée de la réalisation d’un satellite scientifique d’étude du milieu interplanétaire. Au début de 1965, la mission et ses exigences étaient définies et des discussions préliminaires engagées avec la NASA ; l’administration américaine devait en effet assurer le lancement du satellite. L’accord correspondant était signé en décembre 1966 ; c’était d’ailleurs le premier texte de ce type prévoyant que la fourniture de la fusée porteuse et les opérations de lancement donneraient lieu à un paiement, sur la base du remboursement des coûts engagés (3,6 millions de dollars).

L’ensemble du projet a été géré par le Centre européen de recherche et de technologie spatiales (ESTEC) du CERS, à Noordwijk (Pays-Bas) ; les études de définition de la « fenêtre » de lancement, en fonction de la mission, du lanceur, des stations existantes, etc., ont été assurées par le Centre européen d’opérations spatiales (ESOC) du CERS à Darmstad ; elles ont exigé quelque 800 heures de travail sur grand ordinateur.

Deux séries d’appel d’offres furent lancées, en juin et septembre 1965. En réponse à la première qui portait sur la réalisation du satellite, à l’exception de son système de télécommunications, 8 propositions furent reçues de l’industrie européenne.

Le contrat fut adjugé en novembre de la même année à un consortium ainsi formé :

  • maître d’œuvre : Junkers Flugzeug-und Motorenwerke GmbH (Munich, R.F.A.) ;
  • co-contractants : British Aircarft Corp. (Stevenage, Royaume-Uni), Etudes techniques et constructions aérospatiales (Charleroi, Belgique), Messerschmitt A. G. (Augsbourg, R. F. A.) et Société Natiaonale d’Etudes et de Constructions de Moteurs d’Aviation – SNECMA (Paris).

Le deuxième contrat, relatif aux équipements de télécommunications du satellite, fut attribué en février 1966 à la Compagnie Française Thomson Houston – Hotchkiss Brandt, maître d’œuvre, avec pour sous-traitant la Société Anonyme de Télécommunications. Cette équipe reçut ultérieurement l’aide des Laboratori Elettronici e Nucleari de Milan qui devait réaliser 2 équipements de contrôle avant lancement.

Le coût total du projet s’élève à quelque 80 millions de francs, dont une quinzaine pour les expériences scientifiques et les dépenses propres de l’ESTEC, 41,5 pour la maîtrise d’œuvre, 5,5 pour les équipements de télécommande et 18 pour le lancement.

HEOS-A1 : un prototype et deux modèles de vol, à l’ESTEC.

HEOS-A2

En octobre 1967, le Comité scientifique et technique du CERS a invité les Groupes scientifiques européens à lui soumettre leurs propositions d’expériences à inclure dans un projet de satellite similaire à HEOS-A1 ; dix-sept propositions ont été reçues et l4ESTEC a entrepris avec le maître d’œuvre du satellite un examen détaillé de la charge utile qui pourrait donc être confiée à HEOS-A2.

La composition de cette charge scientifique a été approuvé par le CERS au mois d’octobre 1968 (étude des champs magnétiques, des plasmas, des électrons de grande énergie, des bruits T. B. F. d’origine solaire…) et le lancement d’HEOS-A2 pourrait intervenir à la fin de 1971.

Article paru dans la revue CNES  » La recherche Spatiale – Volume VIII – N° 1 – Janvier 1969″

 

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