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Robert Genty (1910-2001) – Le père de l’orbite héliosynchrone

C’est dans une famille de cheminots depuis plusieurs générations que Robert Gent y est né, à Nantes le 23 février 1910. A vingt trois ans, il est licencié ès sciences, puis, le 15 octobre 1933, il entre au service de l’Etat comme élève Officier dans la Marine, De 1933 à 1939 il est pilote d’avion et d’hydravion, puis instructeur à l’Ecole de pilotage de Toulouse. Robert Genty se perfectionne et, en 1941, il sort ingénieur de l’Ecole Supérieure d’Electricité. Après la guerre, il sera diplômé de l’Ecole Libre des Sciences Politiques, puis en 1953 breveté du Centre des Hautes Etudes Administratives.

Lorsque survient la guerre, il est officier de réserve dans l’Aéronavale. Sous l’occupation allemande, un certain Comité d’Organisation de l’Industrie Aéronautique, dans lequel il s’engage, lui permet de fournir aux alliés et à la France libre des informations sur les fabrications aéronautiques allemandes. Cette action lui vaudra la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance. Après la libération, sa qualification l’impose dans les commandos scientifiques attachés aux armées durant la campagne d’Allemagne, pour découvrir et ramener les réalisations scientifiques et techniques allemandes et pour capturer des personnalités scientifiques. Ainsi des éléments rassemblés deviendront la grande soufflerie de l’ONERA à Modane.

A la fin de la guerre, Robert Gent y assemble ses travaux mathématiques sur le problème du point en avion et, le 20 mai 1944, il soutient une thèse de doctorat ès science mathématique sous le titre «Méthode nouvelle de navigation astronomique aérienne».

De 1945 à 1948, on trouve le Commandant Robert Gent y à l’Etat Major de l’Armée de l’Air, puis en 1950 au Cabinet du Ministre de l’Air. Promu Colonel en 1953, Robert Genty est appelé en novembre 1953 aux cotés du Général Bergeron, président du Comité d’Action Scientifique de la Défense Nationale (CASDN). Il est aussitôt concerné par le théâtre des opérations militaires en Indochine.

Le Général Navarre, commandant en chef, demande au CASDN d’étudier le moyen de paralyser le ravitaillement des Viets qui assiègent la citadelle de Dien-BienPhu. On peut essayer de provoquer des pluies artificielles qui transformeraient le terrain en fondrières impraticables. En mai 1954, le Colonel Genty expérimente au dessus de l’Indochine en inséminant des nuages avec de la poudre de charbon imprégnée d’iodure d’argent, selon le procédé de M. Dessens. Il déclenche une pluie de grêlons. La dégradation de la situation militaire en Indochine prends de cours cette action.

Puis, en décembre 1954, le Colonel Gent y se voit confier la reconnaissance militaire des îles australes françaises, en vue de l’implantation d’infrastructures aéronautiques et maritimes. Appareillant pour les Kerguelen a bord du Vercors, il débarque sur l’île en janvier 1955, explore les lieux, pratique des relevés et identifie un emplacement approprié pour la construction d’un aérodrome de catégorie internationale, Revenu sur le terrain l’année suivante à bord de l’aviso Lapeyrouse, le colonel Genty coordonne alors un programme des relevés géodésiques très précis, au sol et par hélicoptère, particulièrement sur la péninsule Courbet.

Une base militaire légère est alors installée à Kerguelen. Le Colonel Genty l’inspecte l’année suivante lorsque, en novembre 1957, il se rend à nouveau dans la région pour une reconnaissance aérienne de l’archipel des Crozet, l’île aux Cochons, l’île de la Possession et l’île de l’Est. Cette opération prépare l’implantation d’une station scientifique au sol, demandée pour les recherches scientifiques dans le cadre de l’Année Géophysique Internationale,

Ces activités d’explorations aériennes et maritimes amèneront le Colonel Genty au Conseil Consultatif des Terres Australes et Antarctiques, à l’Académie de Marine puis à l’Académie des Sciences d’Outremer qu’il présidera en 1988. Il présidera la Société Météorologique de France en1984 et 1985 Il sera élu vice président d’honneur de la Société de Géographie dont il recevra le grand Prix en 2001, quelques semaines avant sa mort.

Après les explorations antarctiques, le Colonel Genty se tourne résolument vers l’exploration de l’espace, dont on commence à entrevoir les promesses. Déjà en 1955, auprès du Général Bergeron, il avait joué un rôle déterminant dans la fondation de la Société Française d’Astronautique,

De 1957 à 1959, avant même que s’organise en France des projets concernant l’espace, il intervient pour assurer, avec le Service Technique de l’Aéronautique et le CASDN, la logistique des vols en ballon de Audouin Dollfus, astronome de l’Observatoire de Meudon. Il s’agit de pratiquer des observations astronomique hors l’atmosphère terrestre perturbée. Le Colonel Genty coordonne les vols en ballon notamment celui d’avril 1959, dans une cabine étanche, jusqu’à l’altitude de 14.000 mètres, pour rechercher la vapeur d’eau dans les atmosphères des planètes.

Vers cette époque, tandis que 1e programme scientifique de l’Année Géophysique Internationale s’organise, Etienne Vassy propose l’utilisation des fusées françaises Véronique et Monica pour l’exploration de la haute atmosphère. Le Colonel Genty survole le Sahara pour reconnaître la région de Hammaguir, considérée appropriée aux expérimentations. Il participe à l’organisation des premiers tirs. En mars 1959, trois fusées Véronique sont lancées. Elles libèrent dans la haute atmosphère de la vapeur de sodium. L’expérience, préparée par Jacques-Emile Blamont, renseigne, par la traînée lumineuse produite, sur les vents, la température et la pression dans la haute atmosphère.

En 1960, le Colonel Genty est chef de mission du CASDN pour les campagnes de tir à Hammaguir. Il assure ensuite la logistique et l’exécution pour les lancements de douze fusées Véronique et quatre fusées Bélier-Centaure, Il fait voler en février 1961 le rat “Hector”, dont le Général Grandpierre, directeur de Centre d’Etude et de Recherche en Médecine Aéronautique (CERMA) étudie l’activité électrique cérébrale en apesanteur.

Toutes ces actions s’accompagnent d’une préoccupation pour l’organisation de la nouvelle activité spatiale naissante. Le Colonel Genty joue un rôle déterminant dans la décision d’instituer un Sous Comité de l’Espace au sein du CASDN, mis en place en novembre 1958. L’année 1961 verra à la création du Centre national d’études spatiales, le CNES.

La fin de l’année 1960 le voit quitter l’activité militaire. Robert Genty se livre alors à la de science et particulièrement à des recherches de mécanique orbitale. Le 11 mars 1963, il présente à l’Académie des Sciences, dont il est lauréat depuis 1957, un travail sur l’équivalence des mouvements Képlériens et des systèmes gyroscopiques. Les applications concernent le changement d’orbite des engins spatiaux, le “virage spatial”. Il établit le concept d’orbite héliosynchrone, importante découverte qui sera utilisée 21 ans plus tard pour les satellites SPOT, puis pour de nombreux satellites d’observation de la Terre et ceux du système GPS de positionnement géographique mondial.

Une orbite héliosynchrone conserve le plan orbital sous un angle constant avec l’orientation du Soleil moyen. Un choix judicieux de la direction de tir permet en effet d’imprimer au satellite un mouvement de précession qui compense exactement le déplacement du Soleil. Le Colonel Robert Genty sera reconnu l’inventeur de l’orbite héliosynchrone par un certificat qui lui sera remis à l’Aéro-Club de France le 15 octobre 1996, sous les sceaux du CNES, de l’U3P et de l’AéCF.

De 1975 à 1977, Robert Genty est chargé par le Ministère de la Coopération de donner des cours et conférences de géophysique et de mécanique rationnelle dans les universités de l’Afrique francophone, au Sénégal, au Cameroun, au Niger, en Côte d’Ivoire. En 1983, il publie un livre de science et de réflexion “Univers Spinoriel, ou Dieu mécanicien”. L’ouvrage élabore la particularité mécanique du spin, omniprésent dans la création, et dégage une vision scientifique et spirituelle du Monde. Pendant cette période, Robert Genty prépare une thèse de Doctorat ès Science en mécanique spatiale, qu’il soutient en 1986. Professeur à l’Ecole Normale Supérieure des Télécommunications, il enseigne la mécanique spatiale.

Autre activité majeure, en 1961, à l’instigation de René Eyrault, ingénieur de la Météorologie Nationale, Robert Genty s’est engagé dans la création d’une Commission d’Astronautique au sein de l’Aéra-Club de France, la CASAF. La première réunion à lieu le 16 juin 1961, quelques mois avant la création du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES). D’abord secrétaire et animateur de la Commission CASAF, Robert Genty en devient le président en 1978 et il assure la fonction pendant quinze ans. En 1992, il cède la fonction au Colonel Bedel et est acclamé président d’honneur.

La Commission CASAF offre un réservoir de culture spatiale et d’initiatives bénévoles. Elle exprime la vocation sportive de l’Aéro-Club de France étendue à l’espace. Elle joue un rôle déterminant pour la création et l’homologation des records dans l’espace. En 1962, Robert Gent y se voir confier par la Fédération Aéronautique Internationale une fonction d’exception. Il est désigné Juge Mondial Unique pour les records spatiaux. La spécificité de sa compétence le fait assurer cette fonction au sein de l’International Comittee for Astranautical Records ICARE jusque en 1994, pendant trente deux ans. En 1988, notamment, il homologue le record mondial de durée en sortie dans l’espace de 8h56m, par J.L. Chrétien et A. Volkov, hors de la station orbitale MIR.

Les services rendus par Robert Genty à la cause de l’espace ont été plusieurs fois reconnus. En 1984 il reçoit la médaille d’or de l’Aéro-Club de France. Puis, la Fédération Aéronautique Internationale lui décerne le Diplôme Tissandier En 1986, il reçoit de la FAI la prestigieuse Médaille d’Or Mondiale de l’Espace. Il est toujours le seul Français et le seul non astronaute à la détenir En 1997 il est élu membre titulaire de l’Académie Internationale d’Astronautique.

Le Colonel Robert Genty n’aurait pas pu être ce qu’il a été sans la présence à ses côtés de son épouse, qui partagea intimement sa vie, ses actions, ses convictions. Veuve d’un premier mariage, Ida Genty avait collaboré dans la Résistance avec son premier mari, Robert Rossi, ancien élève de l’Ecole Polytechnique (1933), Colonel dans la résistance, Compagnon de la Libération, arrêté par la Gestapo et fusillé par les Allemands en 1944, peu de jours avant la libération. Après la guerre, Ida Rossi, Croix de Guerre, Médaille de la Résistance, contribua à la création du corps féminin des armées. Première officier supérieur féminin, elle est Commandant de l’Armée de l’Air.

Le Colonel Robert Genty est décédé le 14 décembre 2001 à l’âge de 91 ans. Il avait été reconnu Commandeur de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre National du Mérite et Commandeur des Palmes Académiques.

Article rédigé par Audouin Dollfus

Article paru dans la revue Espace & Temps n°5 – Décembre 2009

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