Histoire des fusées météorologiques soviétiques
En 1948, à l’initiative de G.I.Golychev (1915-1985) de l’Observatoire aérologique central (TsAO), est créé le Laboratoire n°1 d’étude de la stratosphère (30-100 km) à l’aide de sondes d’altitude et d’aérostats automatiques. Le chef du laboratoire était V.A.Poutokhine ( ? -1953) et l’ingénieur principal A.M.Kassatkine. Peu après, un Laboratoire n°2 est créé pour l’étude de la tropopause jusqu’à 25-30 km d’altitude. Le Laboratoire n°1 deviendra par la suite le secteur d’études stratosphériques (OSI), puis le secteur de physique des couches supérieures de l’atmosphère (OFVSA). Il confie la réalisation d’une première fusée météo au constructeur principal A.D.Nadiradze du KB-2 du ministère des machines agricoles (ex munitions).
La MR-1 de Nadiradze :
Alexandre Davidovitch Nadiradze (1914-1987) commence sa carrière à 18 ans comme laborantin au laboratoire d’aéromodélisme de la société d’aviation et de chimie (OAX) du Conseil de Géorgie à Tbilissi. Puis il termine l’institut industriel du Caucase en 1936. Il est diplômé du MAI en 1940, mais travaille simultanément au TsAGI à partir de 1938. Il s’occupe alors d’un projet d’avion sur coussin d’air avec l’ingénieur N.I.Efremov (SEN pour Samoliot Efremov-Nadiradze). Puis il est nommé constructeur principal de l’avion UT-2N à l’usine n°22 imeni Gorbounov de Moscou.
Au début de la guerre, il commence à travailler sur les fusées au TsAGI. Fin 1941, il propose un obus-fusée anti-tanks dotée d’une ogive du NII-6. Il est testé au polygone de Sofrino en hiver 1943, mais tous les obus n’atteindront pas leur cible. Une expertise montrera que la combustion de la poudre était ralentie par la basse température de l’air. Puis il étudie un obus turbo-réactifs à rotation dérivés des Katiouchas (M-13UK et M-31UK) avec S.A.Khristianovitch, F.R.Gantmakher, L.M.Levin, Ya.B.Chor, etc.
De 1945 à 1948, il dirige l’OKB de la faculté d’armement (fusées) de l’institut de mécanique de Moscou (MMI) du ministère des munitions (qui deviendra le MIFI). Là, il donne des cours et fait des recherches sur les fusées à deux étages.
En 1948, son OKB est transféré au KB-2 (qui deviendra le NII-642 en décembre 1951). Il entreprend alors la réalisation de la fusée météo MR-1. C’est une fusée à deux étages de 7,8 m de hauteur et d’un calibre de 480 mm. Le premier est un accélérateur à ergols solides (barillet de huit moteurs), tandis que le second est à ergols liquides (acide nitrique-kérosène). Le moteur à liquides est alimenté par pressurisation. Au décollage, les deux étages sont allumés simultanément. La propulsion est assurée jusqu’à la vitesse de 1100 m/s à l’altitude de 30 km. Le lancement est effectué depuis des tubes en spirale qui lui confère une rotation autour de l’axe longitudinal. En outre, la fusée est dotée de stabilisateurs aérodynamiques.
D’un poids de 680 kg, elle emporte une charge utile de 72 kg à l’altitude de 100 km. La charge utile comprend des thermomètres pour mesurer la température, des manomètres thermiques et à membrane pour mesurer la pression, des bolomètres et quatre appareils photos. Parfois, la MR-1 emportera des ballons pour prélever des échantillons d’air et des spectromètres UV pour mesurer la densité de l’ozone. Les données scientifiques étaient transmises par une télémesure.
La charge utile est séparée à l’altitude de 70 km. Le second étage et la charge utile sont récupérés par des parachutes de l’institut de O.I.Volkov, ce qui permet de les réutiliser une seconde fois. La vitesse d’atterrissage était de 5-6 m/s.
Le premier vol a lieu en octobre 1951 depuis Kapustin Yar (station M-202 de Volgograd). La fusée est observée pendant son ascension par des cinéthéodolite jusqu’à 60 km d’altitude. Pendant la descente, à partir de 60 km, les parachutes freinent la charge utile, ce qui permet de déterminer la direction et la vitesse des vents. Au total, il y aura 50 lancements pour le TsAO (M.N.Izakov, G.A.Kokine[1], A.M.Kassatkine, N.S.Livchitz, E.A.Bessiadovsky) jusqu’en 1958.
Au NII-642, il y avait quatre bureaux d’études (OKB) dirigés par les constructeurs principaux D.L.Tomachevitch/M.V.Orlov pour le missile naval HS-293-RAMT-1400-KSCh-Chouka, A.D.Nadiradze pour les missiles Taïfun-Strij-RZS-115-Voron et Fritz-X-Tchaïka-Kondor, D.M.Svetchanik/N.M.Tchinenkov pour la bombe volante Krab-Snab-3000 et E.N.Kacherininov pour les missiles air-air. Svetchanik sera transféré au NII-48 à Novossibirsk en août 1955, tandis que Kacherininov ira au NII-1 en 1955 (secteur des fusées guidées). Le NII-642 sera absorbé par l’OKB-52 de Tchelomei à la fin 1957 (il deviendra la GNPP Vympel). Pour sa part, Nadiradze, en conflit avec Tchelomei en 1958/61, quittera le NII-642 pour devenir le chef du NII-1/MIT en 1961/87.
Les MMR-05 et MMR-08 de Sevrouk :
En 1956, afin de pouvoir tirer des fusées météo depuis n’importe quel endroit du globe, il fut décidé de développer une nouvelle fusée-sonde mobile dérivée de fusées militaires tactiques. Le TsAO l’a demandé à Dominik Dominikovitch Sevrouk (1908-1994) du NII-88 de Kaliningrad (aujourd’hui TsNII Mach de Korolev). Diplômé de l’institut de construction de machines électriques de Moscou en 1932, il entre au TsIAM. Il est emprisonné en 1938, travaille en charachka à l’OKB-16 de Gouchko à Kazan en 1941/46. Il est libéré en juillet 1944 et devient le premier adjoint de l’OKB-456 de Gouchko en 1946/52. Puis, de mars 1952 à décembre 1958, il est chef de l’OKB-3 du NII-88. Il réalise le moteur S3-892 pour les missile Tchirok et 3R7/Korchoun dont sont dérivées les fusées météorologiques MMR, les JATO U-19 et U-21 pour avions SM-12, SM-50 et E-66, le moteur du missile 208, le moteur à turbopompe S3-42A du missile 217 de Lavotchkine, le moteur du missile R-15 de Yangel, le moteur des missiles V-750 et V-1000 de Grouchine, le moteur d’une fusée ailée de Tchelomei, le moteur du missile R-17 (Scud) de Makeiev, etc. A la suite du refus de Sevrouk d’aller à Dniepropetrovk, l’OKB est transmis à A.M.Isaiev en décembre 1958. Sevrouk retourne alors à l’OKB-456 en 1959/61 (constructeur principal adjoint pour moteur électro-nucléaire). Il prend la direction de l’OKB Zaria (ex Institut des moteurs de Stetchkine) en 1962 et réalise l’installation de propulsion nucléaire E-30. Puis il retourne au NII-88 en 1965/72 (fiabilité) et devient chef de la chaire des installations énergétiques de satellites au MAI en 1972/88.
A l’origine, la fusée allemande Taïfun avait été développée en Union soviétique en deux versions : R-110 à ergols liquides (Tchirok) et R-110 à ergols solides (Strij). Elles ont d’abord été toutes les deux réalisées par le secteur n°6 du NII-88 dirigé par P.I.Kostine (1904-1970). Ce dernier, qui avait été constructeur principal de canons à l’usine n°8 en 1943/46 (devenu le NII-88 en mai 1946), avait été nommé, le 30/11/45, à la tête du SKB de l’usine pour l’étude des trophées allemands. En août 1946, le SKB sera confié à K.I.Tritko et Kostine devient chef du secteur n°6. Son adjoint était V.F.Tcheremoukhine. Le secteur n°11 dirigé par Nikolai Mourine réalise les installations de tir.
En 1950, le Strij est confié à Nadiradze. Il fait partie du système RZS-115 dont le véhicule de transport est développé par le TsNII-58 de V.G.Grabine (Podlipki près de Moscou). Ce programme sera arrêté en 1953 et donnera naissance au Voron dont l’installation de tir sera confiée à l’usine n°232 Bolchevik (Léningrad). Quant au Tchirok, il est confié au nouvel OKB-3 de Sevrouk en mars 1952. Son adjoint pour les essais est G.M.Tabakov, tandis que P.I.Kostine est chef de secteur de l’OKB. Pour le moteur, un concours est lancé entre Sevrouk et Isaiev. Sevrouk l’emportera avec le S3-892 (acide nitrique-kérosène). Le Tchirok devient alors la fusée 3R7 du système 2K5/Korchoun. Elle mesure 5,53 m de long pour un calibre de 250 mm. Elle pèse 375 kg dont 162 kg d’ergols et 100 kg de charge utile. La fusée, produite en série par l’usine de Kovrov, est tirée depuis un camion 2P5 (SM-44) réalisé par le TsKB-34 de Léningrad. Le 2P5 possède six installations de tirs à spirale comme pour la MR-1. Ainsi, la trajectoire de la 3R7 est assurée par quatre stabilisateurs aérodynamiques et par rotation. Le moteur fonctionne pendant 7,8 s et la fusée atteint la vitesse de 1000 m/s. La portée maximale est de 55 km. Une version 8B51, dotée du moteur d’Isaiev, sera développée par P.N.Baïkovsky et M.I.Douplichev du SKB-385 de Zlatoust en 1952, mais elle sera abandonnée en 1954. Le Korchoun a été déclaré opérationnel en 1957. Mais il sera rapidement arrêté et trouvera une seconde chance en devenant la fusée météorologique MMR-05 en 1956/59. Cette version pèse 396 kg et emporte une charge de 60 kg à 50 km d’altitude. Elle est plus longue que la 3R7 : 7,01 m au lieu de 5,53 m. A l’instar de la MR-1, la charge utile est récupérée par parachute. La MMR-05 sera utilisée pendant l’année géophysique internationale : depuis l’île de Heiss (Novaya Zemlia) et depuis le navire Obi, notamment depuis l’Antarctique. Elle équipera ensuite les navires VoeÏkov et Chokalsky du Service Hydrométéorologique. Au total, il y aura 260 tirs de la MMR-05 jusqu’en 1959.
Quant à la MMR-08, elle avait une longueur de 8,02 m, une masse au décollage de 485 kg et pouvait atteindre 80 km d’altitude. Elle sera tirée à 540 exemplaires en 1959/65.
La MR-12 de F.F.Petrov :
Fin 1959, à la demande du TsAO, l’OKB-9 de Fedor Fedorovitch Petrov (1902-1978) a commencé le développement de la fusée météo MR-12. Diplômé du MVTU en 1931, Petrov a travaillé dans le domaine de l’artillerie à l’usine de Motovilikhinsk près de Perm. En 1942, il est constructeur principal de l’OKB de l’usine n°9 (UZTM/OuralMachZavod) de Sverdlovsk (dirigée par L.R.Gonor en 1942/46). En 1944, il reçoit la médaille de Héros du travail socialiste. Il dirige l’OKB jusqu’en 1974, puis travaille pendant quatre ans au ministère de l’industrie de défense (MOP). L’adjoint de Petrov pour les fusées était Nikolai Grigorievitch Kostrouline (1911-2004)[2].
Son successeur de Petrov est Vladimir Alexeievitch Goloubev (1933-1998). Diplômé de l’institut de mécanique militaire de Leningrad en 1957, il entre à l’OKB-9. En 1960, il avait commencé sa carrière avec les fusées en participant à la réalisation des missiles anti-sous-marin D-90T et D-90S (81RT du système RPK-2/Viouga). Il existe deux versions : D-95 de 533 mm de calibre (Viouga-53) et D-93 de 650 mm de calibre (Viouga-65). Le complexe est intégré dans l’armement en août 1969 sur les sous-marins 705, 705K, 671, 671RT et 671RTM. Goloubev a pris la fonction de 1e adjoint en 1965/74, puis de chef et constructeur principal de l’OKB-9 en 1974/92. Son successeur est Valeri Ivanovitch Nasedkine (1939-2023) en 1996/2013.
Les travaux sur les fusées tactiques avaient commencé en 1956. L’Onega (3M1/D-200) fut étudiée de février 1958 à février 1960. C’était une fusée à ergols solides de 2-3 t, d’une longueur de 9 m et d’un calibre de 450 mm. La portée était de 50-70 km.
La version météorologique MR-12 (D-75) a été décidée par le décret n°240-90 du 23 février 1960. Elle est dériéve de l’Onega en 1960/62. La D-75M existait une version navale et une version terrestre qui servit à des essais de bombe atomique dans l’atmosphère en 1962. Le développement est assuré par le secteur de Victor Petrovitch Teslenko (1933-1990)[3] en deux ans. Le moteur (poussée de 10 t et impulsion spécifique de 205 s) et l’ergol NMF-2 sont fournis par l’institut des matériaux polymères de Perm dirigé par A.M.Sekaline, puis par L.N.Kozlov (NII-130, puis NPO Kirov). Le parachute de récupération de l’ogive est réalisé par A.M.Kleiman du NII PDS. La fusée de 1,44 t (1,29 t d’ergol) mesure 8770 mm de hauteur pour un calibre de 450 mm. Elle emporte 150 kg à l’altitude de 180 km. La charge utile comprend 50 kg d’appareils scientifiques. Pour le lancement, il existe une installation de tir terrestre D-76 et une installation navale D-78. Pour le transport, l’OKB-9 a conçu le véhicule D-77. Les essais en vol commencent par les tirs de maquettes au printemps 1962. Les premiers vols depuis Kapustin Yar interviennent en mai. Puis, pendant les essais autonomes, quatre installations sont utilisées lors d’essais nucléaires à Semipalatinsk (Kazakhstan). Ivan Petrovitch Rakoseï 1937-1983)[4] était en charge des essais en vol en 1962/65.
Cependant, la thématique des fusées (équipe de N.G.Kostrouline) est transférée à l’OKB-8 Novator de Lev Veniaminovitch Lioulev (1908-1985) le 1e juillet 1964.
En décembre 1963, un décret confie la production en série à l’usine de machines lourdes de Petropavlovsk (PZTM) au Kazakhstan. Cette dernière, créée en 1961, a produit les installations de tir des missiles 9K76/Temp-S, 9K714/Oka et 9K79/Totchka du NII-1/MIT.
Le développement de la MR-12 est achevé en 1965. Elle est alors lancée depuis Kapustin Yar et l’île de Heiss (premier vol le 24 janvier 1966). La MR-12 est placée sous la tutelle de l’institut de géophysique appliquée (IPG). Le groupe de V.P.Teslenko est transféré dans la filiale d’Obninsk de l’IPG. La filiale est devenue l’institut de météorologie expérimentale (IEM) en 1968. En 1970, le secteur de V.P.Teslenko devient le TsKB d’appareils hydrométéorologique (TsKB GMP). Ce secteur fut dirigé par Teslenko en 1963/70, puis par A.A.Chidlovsky (1934-2008)[5] en 1970, avant de fermer par manque d’activité en 1999.
Le 1e janvier 1986, l’IEM et le TsKB forment la NPO Taïfun. Actuellement dirigée par V.M.Cherchakov, elle comprend l’IEM dirigé par V.N.Ivanov, le TsKB GMP dirigé par S.A.Sarytchev (devenu le SKB Meteopribor) et l’institut des problèmes de surveillance de l’environnement dirigé par V.G.Boulgakov. Elle compte 685 personnes.
Liouliev, dont l’OKB appartient au ministère de l’industrie aéronautique alors que celui de Petrov, ainsi que la PZTM, appartenaient au ministère de l’industrie de l’armement, devient le nouveau constructeur principal de la MR-12. Diplômé de l’institut polytechnique de Kiev en 1931, il a travaillé dans le domaine de l’artillerie à l’usine de Motovilikhinsk près de Perm, puis à l’usine n°8 de Podlipki près de Moscou. En 1941, l’usine est évacuée à Sverdlovsk. En 1945, il est constructeur principal de l’OKB de l’usine n°8. Il réalise alors des canons anti-aériens. En 1958, il développe le missile sol-air 3M8 Kroug. En 1964, il commence les travaux sur les missiles anti-sous-marins (RPK-2 Viouga, RPK-6 Volopad, RPK-7 Veter, 3M10 Granat, 3M14 Kalibr, 3M51 Alpha, 3M54 Biriouza). Dans le domaine anti-aérien, il développe les missiles 9M38 Buk, 9M82 et 9M83 du système S-300V, ainsi que les anti-missiles 5Ya26 et 53T6 (Gazelle du système ABM de Moscou). En 1966, il reçoit la médaille de Héros du travail socialiste. Il dirige l’OKB jusqu’en 1985. Ses successeurs sont A.F.Oussoltsev (1930) en 1958/86, V.A.Smirnov (1933-1996) en 1986/96, puis P.I.Kamnev (1937) en 1996. Pour sa part, l’usine n°8 imeni Kalinine a été dirigée par M.V.Lavrov (1911-1969) en 1957/69, A.A.Mekhrentsev (1925-1985) en 1970/77, A.I.Tiziakov (1926) en 1977/91, Vladimir Kazimirsky (1941) en 1991/97, puis N.V.Klein (1955) en 1997.
En 1967, Liouliev développe la première variante de la MR-12 : la M-175. C’est une version capable d’aller à 175 km d’altitude, lancée d’une installation D-76M, transportée par le véhicule KS-47, utilisant les systèmes télémétriques RTS-8 et Meteorit-R. Les essais en vol (trois vols dont un ne donna pas de résultats scientifiques) ont lieu au polygone de Emba. Le président de la commission d’état est l’adjoint de la direction technique du service hydrométéorologique L.A.Alexandrov. Les adjoints pour la partie technique sont l’adjoint de Liouliev, A.T.Ginzbourg, et le chef de secteur de la filiale de l’IPG, V.P.Teslenko. Sept autres tirs ont lieu les 21 et 22 juin 1967 pour mesurer l’ozone entre 35 et 90 km. Les 9 et 10 octobre 1967, des MR-12 sont lancées de l’île de Heiss avec des instruments du Service d’aéronomie du Cnrs pour créer des nuages de sodium afin de mesurer la température de la thermosphère polaire. En 1967, les navires scientifiques Professeur Zoubov et Professeur Vize du service hydrométéorologique de l’URSS ont été équipés des rampes de tir D-78 pour la fusée D-75M. Le premier tir a lieu le 9 mai 1968 du Professeur Vize (dix tirs se dérouleront du 9 au 22 mai). Le président de la commission d’état est le directeur technique du service hydrométéorologique B.G.Rojdestvensky, l’adjoint étant V.P.Teslenko. Pour sa part, le Professeur Zoubov a testé le complexe KS-52 (modification du D-78) en juillet-août 1969 (dix tirs dont cinq ne donnèrent pas de résultats scientifiques). Le président de la commission d’état est A.A.Fokine de l’IEM. Neuf tirs supplémentaires ont été réalisés en octobre-décembre 1969 sous la direction de A.A.Chidlovsky. Du 14 au 16 décembre 1971, dans le cadre des expériences Cisaspe et Circe d’étude de l’ionosphère, une Véronique-61M a été lancée avec des spectromètres de masse soviétiques et deux MR-12 ont été lancées du Professeur Zoubov se trouvant au large de Kourou avec des spectromètres de masse français.
En juillet 1969, une version modifiée de la M-175 (D-75MG) est lancée de Kapustin Yar. Elle sert à créer des nuages de sodium dans la haute atmosphère. Elle donne naissance à la M-180 : deux tirs ont lieu les 7 novembre 1971 et 21 mars 1972 de l’île de Heiss (altitude d’environ 190 km).
Enfin, la MR-20 a été développée en 1973-1980 sur la base de la D-75MG. Cette nouvelle modification pour la haute altitude a été construite par le TsKB GMP (A.A.Chidlovsky), la PZTM (V.A.Choukine) et le NIIPM (L.N.Kozlov). La charge d’ergols solides passe de 1,0 t à 1,2 t (contre 1,3 t sur la MR-25). En raison d’un problème relatif à la zone de retombée de la fusée, les essais en vol à Kapustin Yar ont été plus lents que prévu : de 1979 à 1985. La Commission d’état était dirigée par le directeur de l’IPG S.I.Avdiouchine. L’altitude maximale atteinte fut de 235 km. A partir de 1986, la MR-20 est utilisée sur les navires Professeur Vize et Professeur Zoubov.
En 1967, une autre variante M-250 (complexe MR-25) a été construite pour atteindre l’altitude de 250 km. L’étage à ergols solides a été allongé et la charge augmentée (1,3 t au lieu de 1,0 t sur la MR-12). Les essais en vol ont lieu à Emba au printemps et les essais d’état (dix tirs) en juin 1970. La fusée a été créée par l’OKB-8 (Liouliev, A.T.Ginzbourg, A.F.Oussoltsev, etc). Le chargement a été élaboré par le NIIPM (L.N.Kozlov, E.A.Medvedev, G.K.Balabanov, R.V.Chirokov, etc). Pour le montage de la fusée, des moyens technologiques ont été fournis par l’OKB-203 de A.I.Yaskine à Sverdlovsk (devenu le KB KompressorMach en 1966, puis la NPP Start en 1994).
Au total, il y a eu 1.254 tirs de 1962 à 1997 qui ont permis de réaliser 2.725 expériences scientifiques. Le 18 octobre 1983, un accident à Kapustin Yar a en partie détruit les installations et coûté la vie à trois personnes.
La MR-12 a été dotée de nombreux types d’ogives différentes (type RV, OV, SV, VP, E). Les expériences ont été fournies par l’IPG (S.I.Avdiouchine, You.F.Ivanov, G.F.Toulinov, V.V.Mikhnevitch, etc), le TsAO (G.A.Kokine, E .A.Besiadovsky, A.F.Tchijov, etc), le GOI (V.S.Davydov), le GosNITsIPR (centre national d’étude des ressources terrestres, devenu la NPO Planeta de Obninsk), etc. Certaines expériences faisaient partie de campagnes systématiques comme Soleil-Atmosphère (quatre campagnes en 1969, 1971, 1973 et 1976 avec 22 tirs de fusées D-75MG lors de la campagne du 24 septembre au 10 octobre 1971), Matin polaire (deux campagnes en 1972 et 1974), Sources énergétiques corpusculaires dans la haute atmosphère (campagne en 1976-1979), Aubes tropicales (1971), etc. Par ailleurs, de 1964 à 1997, elle a servi à 310 expériences actives pour l’étude de la haute atmosphère, l’ionosphère et la magnétosphère (injection de particules neutres ou chargées, création d’aurores boréales artificielles, etc). Ces études ont été menées par l’Izmiran (I.A.Jouline, V.N.Oraievsky, etc), l’IPG (S.I.Avdiouchine, You.A.Romanovsky, etc), l’IKI (R.Z.Sagdeiev, G.G.Managadze, etc), etc. Il s’agit de Zarnitsa-1 le 30 mai 1973 et Zarnitsa-2 le 11 septembre 1975 avec un accélérateur à électrons (césium), Spolokh-1 le 4 septembre 1975 et Spolokh-2 le 29 juin 1978 avec une injection de baryum, Ariel-1 le 29 octobre 1977, Ariel-2 le 30 octobre 1977, Ariel-3 et Ariel-4 en 1979 avec un canon à plasma (100 à 1800 joules), Aelita-1 et Aelita-2 avec un accélérateur à électrons (lithium), ainsi que Stereotop le 1e décembre 1978 avec un canon à électrons, etc.
Dans le cadre du programme Intercosmos, un vol a été réalisé de Kapustin Yar en novembre 1973 pour effectuer des mesures synchrones avec le satellite Intercosmos-10. Dans le cadre de la coopération franco-soviétique, plus de 30 expériences ont été réalisées avec des nuages de sodium fournis par la France de 1967 à 1972. Puis ce fut le programme IPOCAMP pour l’étude de la haute atmosphère en 1973/82 (Ipocamp-1 en mars 1974, Ipocamp-2 en mars 1977, Ipocamp-3 en mars 1979, Ipocamp-4 en 1981). Il s’agissait de l’étude de l’ionosphère polaire par le centre de recherche en physique de l’environnement terrestre et planétaire du Cnrs à Orléans. Dans le cadre de la coopération avec les Etats-Unis, cinq tirs de D-75MG ont été réalisés depuis le «Professeur Vize» au large de Wallops Island en juin 1978 pour l’expérience Jaspic (source corpusculaire dans l’ionosphère nocturne). Enfin, les deux derniers tirs des 30 janvier et 6 février 1997, effectués de Kapustin Yar, ont permis de réaliser les expériences Flacus-1 et Flacus-2 de l’institut de dynamique de la géosphère de l’Académie des sciences de Russie avec l’APL/JHU américain.
Par ailleurs, la MR-12 a servi aussi pour des qualifications techniques. Ainsi, 21 tirs de D-75MGP (18 succès) ont été réalisés de 1971 à 1976 pour tester un système d’atterrissage en douceur pour des sondes martiennes développé par l’Institut de construction des parachutes (NII AU, puis NII PDS). De même, trois tirs de D-75MGK ont été réalisés en 1977/78 pour tester un système de freinage aérodynamique de la NPO Lavotchkine.
La conservation des moteurs de MR-12 était assurée par la flotte de la Baltique. Puis elle a changé trois fois d’emplacement : Liepaya (Lithuanie), puis Tallin (Estonie), puis Bolchaya Ijor près de Léningrad. En 1986, l’URSS a pris la décision de faire deux nouvelles bases de lancement en Arctique : à Dixon et à Tixi. Mais les difficultés du pays et manque de financement ont mené à l’abandon du projet en 1991.
Les M-100 et MMR-06 de IjMach et StankoMach :
En 1957, l’usine de mécanique d’Ijevsk[6] commence à produire en série le 3R7/Korchoun de Sevrouk, puis les fusées météo MMR-05 et MMR-08. Le SKB est formé et reçoit, en 1960, la commande pour une fusée météo à ergols solides : la M-100 capable d’emporter 15 kg à 100 km. Le premier vol intervient en 1961 et l’exploitation commence en 1962. Le constructeur principal est Alexei Timofeievitch Tchernov (1926)[7], adjoint du SKB en 1959/70. Le constructeur en chef est V.N.Grinberg (1924-2021)[8]. L’installation de lancement est développée par B.A.Berestov (1937). Le successeur de Tchernov est Albert Georguievicth Ichtoulov (1938)[9]. Chef de KB de l’usine, il a participé à la création des fusées M-100B, MMR-06, des engins-cibles MS-9ITs-B, MR-9ITs-B et 96M6M.
La M-100 est une fusée à deux étages de 250 mm de calibre. Elle mesure 8,25 m de hauteur et pèse 475 kg. Le second étage de 4,1 m pèse 1968 kg. La poussée est de 6,4 t pour le 1e étage et de 2,27 t pour le second. Une version plus puissante, la M-130, a été développée et testée en vol, mais n’a pas été produite en série. La fusée a été allongée à 10 m. Désormais, elle pèse 600 kg et emporte 80 kg à 130 km d’altitude.
La M-100 a été lancée à un très grand nombre d’exemplaires depuis l’ïle de Heiss (base de Droujnaya), Kapustin Yar, l’Antarctique (base de Molodejnaya), les navires «Veïkov» et «Chokalsky» en 1960, puis les «Académicien Korolev» et «Académicien Chirchov». Dans le cadre de la coopération URSS-Inde, la M-100 a été lancée depuis la base de Thumba à partir de décembre 1970. Du 27 février au 31 mai 1973, des fusées M-100 ont été lancées depuis l’île de Heiss, Kapustin Yar, Thumba, l’île de Kerguelen et Molodejnaya pour obtenir un profil de la haute atmosphère le long du méridien 70° Est. Cette expérience sera renouvelée pendant plusieurs années. Du 20 septembre au 3 octobre 1973, des fusées M-100 ont été lancées depuis le navire «Professeur Korolev» ancré au large de Kourou afin de procéder à des comparaisons de mesures dans le cadre d’une campagne internationale (URSS-USA-Angleterre-France). Cette expérience sera répétée du 3 au 21 octobre 1977.
En 1972, la production en série a été confiée à l’usine Stankomach de Tcheliabinsk. Créée en 1935, elle faisait des machines-outils. Pendant la guerre, elle produisait de l’armement. Sur son territoire, deux usines ont été formées : n°78 (Katiouchas) et n°200 (éléments pour tanks). Après la guerre, deux SKB sont formés et, en 1953, un OKB pour la création de fusées et d’armement d’avions. Les deux usines fusionnent en Zavod imeni Ordjonikidze le 9/8/1957. Elle produit alors des accélérateurs à ergols solides, le missile tactique Luna-M, des installations de lancement et des fusées météorologiques. Le directeur général est M.T.Samarine (1928-1993) en 1969/93, V.F.Sobko en 1996/2003, puis A.I.Tarassov (1947) en 2003. La production était d’environ 700 ex/an. En 2013, StankoMach a été repris par le groupe industriel Konar.
Au total, de 1963 à 1972, 2206 tirs avaient été effectués. Mais après la fin de l’Union soviétique, la M-100 fut abandonnée en 1999. Toutefois, le 24 septembre 2007, il fut procédé au tir d’une M-100B depuis la station météo Krenkel de l’île de Heiss. C’était le premier des 10 tirs prévus dans le cadre de la troisième année polaire internationale. Tous les matériels, dont l’installation de tir Kama, avaient été amenés par le navire Mikhail Somov. Au total, 7667 fusées ont été produites dont 5880 M-100, 2 M-100A et 1785 M-100B.
En 1968, le SKB de IjMach a développé la MMR-06, dérivée du 2e étage de la M-100. C’est une fusée monoétage à ergols solides de 200 mm de calibre. Elle mesure 3,22 m de hauteur et pèse 135 kg. Elle peut emporter 5 kg à 60 km d’altitude. La poussée est de 1700 kg. Les tirs ont commencé en 1970. La production en série est assurée par StankoMach. Dans le cadre du programme Intercosmos, elle a été dotée d’une charge utile polonaise DART (URSS-RDA-Pologne-Roumanie). A partir de 1976, la MMR-06 a été lancé depuis les navires océanographiques «Ouchakov», «Priliv» et «Volna», puis, à partir de 1977, des navires «Krenkel», «Passat» et «Bougaiev». Au total, 824 MMR-06 ont été lancées en 1976/92.
Bibliographie :
-Article de Vassili Michine et Vladimir Axenov dans Technika-Molodeji n°6 1981.
-« Issledovatelskie i meteorologitcheskie rakety mira » par V.N.Grinberg, A.A.Pozin, V.V.Sobolev, V.G.Khvostov, A.A.Chidlovsky TsKB GMP Leningrad Gidrometeoizdat 1979
-« Raketnye issledovania atmosphery » par P.P.Alexeiev, E.A.Bessiadovsky, G.I.Golychev, M.N.Izakov, A.M.Kassatkine, G.A.Kokine, N.S.Livchits, N.D.Massanova, E.G.Chidkosvky dans Meteorologia i Gidrologia n°8/1957
-« Golovnye tchasti meteoraket primeniavchiessia TsAO dlia issledovania verkhnei atmosphery c 1951 po 1971 (obzor) » dans Troud TsAO n°119/1976
-« Pulsed plasma accelerators for the MR-12 rocket experiment » par V.A.Alexandrov, G.G.Gakhoun, V.K.Gondobin, G.A.Popov, You.A.Romanovsky, D.D.Sevrouk, R.K.Snarsky, V.B.Tikhonov, V.M.Tiourin, report at Cospar, Budapest, 1980
-« Simulated precipitations of energetic electrons at the impulse injection of plasma into ionosphere » par V.A.Alexandrov, V.You.Gaidoukov, A.S.Loevsky, G.A.Popov, You.A.Romanovsky, A.P.Babaiev, report at Cospar, Budapest, 1980
-« Meteorologitcheskie raketnye komplexy SSSR i issledovania atmosphery na vyssotakh do 250 km » par A.A.Chidlovsky Gidrometeoizdat Saint-Petersbourg 2003
[1] Grigori Abramovitch Kokine (1925-2008) : front en 1942/45, termine MGU en 1950, puis TsAO en 1950, chef du secteur de physique de la haute atmosphère en 1964, docteur es sciences en 1972, professeur en 1989.
[2] Termine l’institut polytechnique de l’Oural en 1937, usine n°172 de Perm, puis usine n°9/OuralMach en 1940, adjoint en 1942/60, chef OKB-9-2 en 1960/64, adjoint OKB-8/Novator en 1964/91, prix Staline en 1946.
[3] Termine l’université de Dniepropetrovsk en 1956, entre à l’OKB-9, chef de KB (fusée météorologique MR-12), passe à l’institut de météorologie expérimentale (IEM) d’Obninsk en 1963, constructeur principal en 1963/69, chef et constructeur principal du TsKB d’intrumentation hydrométéorologique en 1969/75, directeur IEM en 1975, directeur général NPO Taïfun en 1986/90.
[4] Termine l’université de Dniepropetrovsk en 1960, entre à l’OKB-9, participe aux essais en vol de la MR-12 en 1962/65, puis il passe au TsKB d’appareils hydrométéorologiques, devenu NPO Taïfun, à Obninsk. Il s’ossupe de l’installation de rampes de lancement sur les navires Professeur Vize et Zoubov. Il est chef adjoint d’un secteur de construction (MR-12, MR-25, M-175, M-250, etc). Il créé une méthode d’essai pour les capsules des sondes interplanétaires Mars-71 et Mars-73.
[5] Termine l’université de Dniepropetrovsk en 1956 (directeur diplôme M.I.Duplichev), entre à l’OKB-9 (secteur installation de lancement d’Onega, Viouga, etc), filiale IPG à Obinsk en 1964, chef SKB Meteopribor NPO Taïfun, docteur es sciences techniques en 1985, professeur en 1999.
[6] L’usine de construction de machines (fusils et mitrailleuses) et l’usine de mécanique d’Ijevsk ont fusionné dans la NPO IjMach en 1975, devenu la holding Kalachnikov en 2013.
[7] Travaille à l’usine métallurgique de Marioupol en 1943 (17 ans), étudie au FTF GDU en 1953/58, ingénieur à l’usine de machines d’Ijevsk (IjMach) en 1958 (secteur n°58, production du Korchoun), constructeur de la M-100, M-130, MMR-06, CTS72.
[8] Travaille dans une usine de Tcheliabinsk pendant la guerre, termine le MVTU en 1951, entre à IjMach où il développe les fusées météorologiques. En 1980, il passe à l’institut de mécanique d’Ijevsk où il enseigne jusqu’à sa retraite.
[9] Termine l’institut polytechnique de Tcheliabinsk en 1963, travaille à l’usine de machines d’Ijevsk (IjMach), constructeur en chef en 1970, chef du SKB de l’usine n°78 StankoMach en 1971 (production en série M-100), CTS86.
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