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Le développement de la fusée Semiorka

Par  Christian Lardier (Administrateur IFHE, Ancien président de l’IFHE)

Le 24 juillet 1954, le projet de la R-7 est achevé. La fusée a alors une masse de 260 t et une poussée totale de 365 t. Elle peut emporter une ogive de 5,4 t à une distance de 8240 km. Elle a une hauteur de 33,6 m. C’est un paquet composé d’un corps central de 26,5 m sur lequel sont accolés quatre blocs latéraux de 20,9 m. Le moteur central est un RD-108 de 69 t de poussée au sol et 90 t dans le vide, tandis que les moteurs latéraux sont des RD-107 de 74 t de poussée au sol. A cette époque, elle est intégrée et posée sur quatre tables de lancement (du même type que la R-5). Le projet est adopté par les autorités le 20 novembre.

Cependant, fin 1954, la méthode de lancement est changée. En effet, les calculs ont montré que par vents forts, la fusée était menacée de renversement. Korolev avait alors envisagé de mettre des murs autour de la fusée. Mais finalement, il fut décidé de la tenir en position verticale à l’aide d’une ceinture de force se trouvant au niveau de la fixation des boosters sur le corps central. Ainsi, la fusée est suspendue à quatre pétales au lieu d’être posée sur une table de lancement. Les boosters, en forme de cône, passent alors de 20,9 m à 19,6 m. Des versions souterraines de la plate-forme de tir ont été étudiées. En juillet 1955, l’OKB-456 réalise la première mise à feu de la chambre de 25 t de poussée qui servira de base aux RD-107 et 108. En janvier 1956, le premier moteur à quatre chambres est testé. Initialement, le pilotage était assuré par des déviateurs de jet sur les RD-107 et quatre moteurs-verniers sur le RD-108. Le système de guidage utilisait la méthode inertielle de Piliougine et la méthode radio de Riazansky. Mi 1956, la fusée est modifiée. La masse passe à 273,5 t (+ 10 t d’ergols) et la poussée à 403 t (+38 t).

L’intégration horizontale dans le MIK remplace l’intégration verticale sur la plate-forme de tir. Les déviateurs de jet sont remplacés par des moteurs-verniers. Mais ces derniers ne seront pas réalisés par l’OKB-456 : ils le seront par le secteur des moteurs de M.V.Melnikov de l’OKB-1 de Korolev. Le sys- tème SOB est développé pour la synchronisa- tion des réservoirs d’ergols. Les programmes M-5R (trois tirs en 1956) et M-5RD (10 tirs en 1956). Il s’agit de fusées R-5 modifiées pour tester le système de guidage radio, le système de régulation des moteurs et l’ogive (essai d’un matériau à base de silice et d’asbotextolit). En avril-juillet 1956, trois maquettes M1-1S, M1-2SN et M1-3S de la R-7 sont construites. En décembre 1956, le premier modèle de vol M1-4SL est prêt pour les essais d’usine. La fusée M1-5 arrive à Baïkonour le 3 mars 1957. Elle pèse 274,2 t, mesure 34,2 m de haut et emporte 2,8 t d’appareils de mesures. Les deux premiers vols du 15 mai et du 12 juillet sont des échecs. L’ogive était un cône pointu de 7,2 m de hauteur couvert d’un matériau à base de silice. Pour les deux tirs suivants, le matériau utilisé est de l’asbotextolit. Le 21 août, c’est le succès. Néanmoins, l’ogive est détruite à 10 km d’altitude (à 5 km/s). Le vol suivant du 7 septembre est un nouveau succès. Mais à nouveau, l’ogive est détruite dans l’atmosphère. L’ogive est alors modifiée : elle est plus courte (5,5 m) et devient émoussée.

Les 4 octobre et 3 novembre, les deux tirs suivants permettent de satelliser Spoutnik-1 et Spoutnik-2. La seconde étape des essais en vol comprend six tirs de janvier à juillet 1958. Le 31 janvier, l’ogive ne s’est pas séparée du bloc central, mais elle atteint, pour la première fois, la surface terrestre. Enfin, le 29 mars, l’ogive atteint la cible. Ce succès sera répété les 4 avril et 24 mai. Ce jour là, la préparation du lancement a duré 21 heures. Les 27 avril et 15 mai, la version spatiale 8A91 est lancée à deux reprises avec Spoutnik-3. Le premier tir est un échec, tandis que le second est un succès. Le 10 juillet, la fusée explose sur la plate-forme de lancement.

La troisième étape des essais en vol comprend 16 tirs. Huit fusées sont fabriquées à Podlipki (OKB-1) et les huit autres à Kouybichev/Samara (usine n°1 Progress). La R-7 étape III (278 t) comporte des modifica- tions : la centrale inertielle est transférée dans la case à équipements, le SOB devient le SOBIS, l’azote de pressurisation est dimi- nué de 15 %, les moteurs sont améliorés (de nouveaux moteurs-verniers de l’OKB-456 remplacent ceux de l’OKB-1). Les vols se déroulent du 24/12/58 à 27/11/59 : 10 fusées sur 16 ont atteint la cible. La première fusée produite à Samara est lancée le 17/3/59. Les tirs du 18/6 et du 21/11/59 sont effectués par personnel de Plessetsk.

Les deux premiers vols à équateur (8000 km) sont réalisés les 22 et 25/10/59. Le 20 jan- vier 1960, la R-7 est déclarée opérationnelle. Le 2 juillet 1958, le décret pour le développe- ment de la R-7A (8K74) est émis. La nouvelle version emporte une ogive nucléaire de 3 t à une distance de 12.000 km. Elle pèse 276 t et mesure 31,0 m de haut. Le nouveau système inertiel remplit les fonctions du système radio à l’exclusion de la direction de la portée. En outre, la fusée a subit des allègements, tandis que le SOBIS et les moteurs ont été améliorés. Les essais en vol se déroulent au 23/12/59 au 7/7/60. Sur les huit tirs, sept sont des succès. La fusée est déclarée opérationnelle le 12 sep- tembre 1960. Le dernier vol du missile inter- viendra le 25 juillet 1967. Trois tirs ont été réa- lisés de Plessetsk. La R-7A est retirée de l’ar- mement en 1968. La R7 donnera naissance à trois types de lanceurs spatiaux : 8A91 (Spoutnik-3), 8K72L (Luna) et 8K72K (Vostok), tandis que la R-7A a donné naissance aux lan- ceurs spatiaux 8K78 (Molnya), 8A92 (Vostok-2), 11A57 (Voskhod), 11A59 (Poliot) et Soyouz (11A511). Au 1er novembre 2007, la R- 7/Semiorka a été lancée à 1.727 exemplaires.

Article paru dans la revue Espace & Temps n° 2 – Octobre 2007

 

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