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Sonde Pioneer-10 – Première exploration de la planète Jupiter

Par Yves Blin – Président de l’IFHE

1 – Vers la première exploration des planètes supérieures

Pendant la première moitié des années 1960 les missions d’exploration du système solaire se sont concentrées sur la Lune et les 2 planètes les plus proches de la terre, Mars et Vénus. Aux États-Unis, trois centres spatiaux de la NASA sont impliqués dans ces missions interplanétaires.

Le premier est le centre de recherche AMES, situé dans la Silicon Valley en Californie. Il lança ainsi plusieurs petites sondes spatiales (Pioneer 6 à 9), dont l’objectif était d’étudier le milieu interplanétaire à proximité de la Terre.

Figure 1 – Sondes Pioneer 6 à 9

Le deuxième centre est le centre spatial Goddard de Greenbelt dans le Maryland. Ce centre a développé notamment le satellite Explorer 10 lancé le 25 mars 1961, dont la mission dura 52 h, avec pour objectif d’étudier le champ magnétique terrestre et le plasma interplanétaire. Il fut aussi à l’origine du satellite Explorer 12 dont le lancement intervint le 16 août 1961 et dont la mission s’est achevée le 6 décembre de la même année par suite d’un problème d’énergie. Sa mission consistait à étudier les rayons cosmiques et le vent solaire, mais aussi les particules chargées piégées par le champ magnétique terrestre.

Figure 2 – Satellite Explorer 10

 

Figure 3 – Satellite Explorer-12

Enfin le troisième centre est le célèbre Jet Propulsion Laboratory (JPL), situé à Pasadena en Californie. Le JPL fut à l’origine du développement des premières sondes interplanétaires américaines, la sonde Mariner 2 qui survola Vénus le 14 décembre 1962 et Mariner 4, première sonde à survoler la planète rouge, les 14 et 15 juillet 1965.

Figure 4 – Sonde Mariner 2

Figure 5 – Sonde Mariner 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au milieu des années 60 chacun de ces centres a commencé à étudier des missions visant des objectifs plus éloignés dans le système solaire. Le centre de recherche AMES débute ainsi la conception de 2 nouvelles sondes spatiales Pioneer F et Pioneer G avec un programme d’étude du milieu interplanétaire jusqu’à 4 unités astronomiques de distance du soleil.

Pour sa part le centre Goddard étudie la mission Galactic Jupiter Probe dont les objectifs comprennent l’exploration de la ceinture d’astéroïdes située après la planète Mars et l’environnement autour de la planète Jupiter ce centre propose ainsi de construire 4 sondes spatiales de 300 kilos lancées par paire pour un budget total de 100 millions de dollars. La grande originalité des propositions du centre Goddard est de proposer l’utilisation pour ces ondes un générateur thermoélectrique à radio-isotope (RTG) qui utilise la chaleur dégagée par la désintégration du plutonium pour produire l’énergie électrique qui est nécessaire au fonctionnement des sondes.

Figure 6 – Sonde Galactic Jupiter Probe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le JPL propose de son côté la mission Navigator, un projet de sonde particulièrement ambitieux avec une masse d’une tonne et emportant un ensemble très complet d’instruments scientifiques. Ce programme est rapidement remplacé par un programme encore plus ambitieux, le programme Grand Tour qui propose d’utiliser une trajectoire, mise au point par l’ingénieur Gary Flandro, exploitant une conjonction exceptionnelle des planètes supérieures du système solaire (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) qui ne se reproduit que tous les 176 ans. Cette trajectoire permettrait aux sondes de survoler plusieurs de ces planètes en limitant drastiquement la dépense d’ergols grâce à l’assistance gravitationnelle de ces planètes. Le projet Grand Tour n’est finalement pas retenu par la NASA mais pose les fondations du programme Voyager, presque aussi ambitieux dont le développement sera initié en juillet 1972.

Figure 7 – Poster projet « Grand Tour »

 

A la même époque, parallèlement à ces études de faisabilité, l’Académie nationale des Sciences des Etats-Unis inscrit en priorité, dans un de ses rapports, l’étude de la planète Jupiter. Ceci conduit la NASA à modifier l’objectif des missions Pioneer F et G, en y incluant l’étude de la planète géante mais aussi de transférer ce programme du centre AMES vers le Jet Propulsion Laboratory. L’agence spatiale décide aussi de stopper tous les travaux menés au Centre Goddard sur son projet Galactic Jupiter Probe compte tenu de son coût particulièrement élevé mais surtout d’éviter que ce projet n’accapare trop de ressources humaines de ce centre déjà fortement mobilisé par le programme Apollo. La NASA décide cependant de reprendre pour les missions Pionner F et G une des propositions originales du projet Galactic Jupiter Probe, l’emploi des RTG.

Ces décisions s’accompagnent de la création par la NASA d’un groupe de travail, baptisé Outer Space Panel et présidé par James Van Allen, pour définir les objectifs scientifiques qui seront assignés à Pioneer F et G. Le JPL est chargé, pour sa part, de consolider les caractéristiques techniques de ces sondes. L’ensemble de ces travaux permettent à la NASA de lancer officiellement le projet Pioneer Jupiter en février 1969 et de sélectionner la société TRW, déjà constructeur des précédentes sondes Pioneer, pour la fabrication des sondes Pioneer F et G.

Figure 8 – Professeur James Van Allen

2 – Le projet Pioneer Jupiter

La mission scientifique dévolue aux sondes Pionner F et G, qui deviendront Pioneer 10 et 11 après leur lancement, est articulée autour de trois pôles, l’étude du milieu interplanétaire au-delà de l’orbite de Mars, l’évaluation du risque de collision dans la ceinture d’astéroïdes et enfin l’étude des planètes Jupiter et Saturne et de leur environnement.

Figure 9 – Sonde Pioneer H (jamais lancée)

La première sonde spatiale, Pioneer 10, est prévue de jouer un rôle d’éclaireur en effectuant la première traversée de la ceinture principale d’astéroïdes située entre les orbites de Mars et Jupiter et le premier survol de la planète Jupiter et de ses lunes. Pour la seconde sonde, Pioneer 11, dont le lancement est prévu un an après celui de Pioneer 10, le début de mission est quasi identique à celle de Pioneer 10 jusqu’à l’approche de la planète Jupiter. L’entrée de Pioneer 11 dans la sphère d’influence de Jupiter est optimisée afin de permettre de profiter de l’assistance gravitationnelle de la planète géante pour tordre la trajectoire afin que la sonde se dirige ensuite vers la planète Saturne.

La NASA décide aussi que les lancements de ces sondes, prévus dans la première moitié des années 1970, soient assurés par le lanceur Atlas-Centaur D surmonté d’un troisième étage à propergol solide (étage Star 37E).

3 – Les sondes Pioneer F et G

3.1 – Description générale

Pioneer F et G sont des sondes spatiales de petite taille avec 2,7 mètres de hauteur de l’antenne moyen gain installée au sommet de l’antenne parabolique grand gain pour une envergure maximale de 5,2 mètres lorsque le mât portant le magnétomètre est déployé. Elles pèsent 270 kg dont près de 30 kg pour les instruments scientifiques et 27 kg d’hydrazine pour le système de contrôle d’attitude et de correction de trajectoire.

Figure 10 – Architecture générale des sondes Pioneer F et G

En termes d’architecture mécanique, les sondes sont construites autour d’une plateforme, inspirée de celle des sondes Mariner, de forme hexagonale de 36 cm de hauteur et de 142 cm de diagonale avec six faces larges de 76 cm. Cette plateforme abrite le réservoir d’hydrazine et l’ensemble des équipements nécessaires au bon fonctionnement de la sonde. Sur la face latérale située à 120° de chaque mât portant les générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG), sont installés huit des onze instruments scientifiques.

Sur la face supérieure de cette plateforme est attachée, grâce à trois poutrelles, l’antenne parabolique grand gain dont le diamètre atteint 2,7 mètres. Quant à la face inférieure on y trouve l’adaptateur lanceur de forme circulaire et l’antenne de télécommunication omnidirectionnelle à bas gain.

Les sondes sont stabilisées par rotation à une vitesse de 4,8 tours par minute.

3.2 – Le système de télécommunications

Les sondes sont équipées pour les liaisons avec la Terre de deux systèmes émetteur-récepteur redondants, dont la puissance d’émission est de 8 watts, et de trois antennes à grand, moyen et bas gain. L’antenne grand gain est constituée d’une antenne parabolique de 2,7 mètres de diamètre. Avec cette antenne les sondes peuvent transmettre les données scientifiques et technologiques avec un débit compris entre 2 046 bits/s au niveau de la ceinture principale d’astéroïdes et 1024 bits/s. L’antenne moyen gain est fixée au-dessus de la parabole de l’antenne grand gain et l’antenne omnidirectionnelle est placée sur la face inférieure de la plateforme.

Les liaisons entre la Terre et les sondes sont effectuées dans la bande S du spectre électromagnétique (2 110 MHz pour les liaisons montantes Terre – Sonde et 2 292 MHz pour les liaisons descendantes Sonde – Terre).

Figure 11 – Antennes des systèmes de télécommunications

3.3 – Le système énergie

Au niveau de Jupiter, le flux électromagnétique fournit par le Soleil est 25 fois inférieur à celui disponible au niveau de l’orbite terrestre. A la fin des années 1960, le rendement des panneaux solaires est tel que leur taille, pour délivrer les 100 Watts nécessaires au fonctionnement des sondes, est rédhibitoire. Ce constat a poussé la NASA à retenir des générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG) du même type que celui qui a été testé sur le satellite météorologique Nimbus-3. Un RTG pèse 14 kg et dispose de 6 ailettes de refroidissement. Il dispose de 90 thermocouples lui permettant de générer 39 Watts d’énergie. Pour satisfaire leurs besoins en énergie qui sont de 100 Watts au moment du survol de Jupiter, les sondes Pioneer F et G emportent 4 RTG disposés par paire au bout de deux poutrelles de 2,7 mètres de longueur écartées de 120,13°.

Figure 12 – RTG

3.4 – Le système de contrôle d’attitude et de correction de trajectoire          

 Stabilisées par rotation (4,8 tours par minute), les sondes Pioneer F et G disposent de trois paires de moteurs-fusées à propergol liquide (hydrazine) délivrant une poussée de 1 5 Newton à 6,2 Newtons. Une paire permet d’assurer les manœuvres de changement de trajectoire. Une autre paire est dédiée aux opérations de changement d’attitude. Enfin la troisième et dernière paire sert au maintien de la vitesse de rotation. Ces moteurs sont regroupés par bloc de trois (un moteur de chaque paire) diamétralement opposé à la périphérie de l’antenne parabolique.

Figure 13 – Contrôle de la vitesse de rotation

Figure 14 – Correction de trajectoire

 

Figure 15 -Contrôle d’attitude

Avec les 27 kilogrammes d’hydrazine embarqués, les sondes Pioneer F et G possède une capacité de génération de vitesse de 187,5 mètres par seconde pour les changements de trajectoire, de 1 200 degrés pour les changements d’attitude et de 50 tours par minutes pour la vitesse de rotation.

Pour calculer leur orientation, les sondes utilisent des capteurs permettant de déterminer la position du Soleil et de l’étoile Canopus et un dispositif appelé CONSCAN. Le système CONSCAN (CONical SCAN) permet de vérifier que l’antenne parabolique est pointée à moins de 0,3 ° de la direction de la Terre. Pour cela ce système mesure l’amplitude de l’oscillation du signal radioélectrique en provenance de la Terre due au léger décalage de la position de la source de l’antenne grand gain par rapport à l’axe du réflecteur parabolique. Ainsi plus l’axe de rotation de la sonde (qui est aussi l’axe de l’antenne parabolique) s’écarte de la direction de la Terre, plus l’amplitude de l’oscillation du signal reçu augmente.

 3.5 – Le contrôle des opérations bord

 Comme pour les sondes qui les ont précédées, Pioneer F et G ne disposent pas d’ordinateur de bord mais de deux unités redondantes de décodage des télécommandes envoyées par les équipes sur Terre et une unité de distribution des commandes. Malgré un contrôle au sol des commandes avant leur transmission aux sondes et afin d’éviter l’exécution d’une commande erronée par les sondes, si une commande n’est pas correctement traitée par l’unité de décodage, l’unité de distribution des commandes n’exécute pas l’ordre.

Pour les phases critiques, cinq commandes peuvent être enregistrées à l’avance. Il s’ensuit que l’ensemble des opérations à exécuter doivent être préparées plusieurs mois à l’avance.

Les équipes au sol disposent de 222 commandes différentes pour le contrôle des sondes, 73 dédiées à la mise en œuvre des expériences scientifiques et 149 pour la gestion du reste des systèmes des sondes.

Les commandes sont envoyées aux sondes avec un débit de 1 bit par seconde. Un message de commande est constitué de 22 bits.

La capacité de stockage à bord des données scientifiques et techniques est de 49 152 bits. Pour la transmission de ces données, Pioneer F et G s’appuient sur 11 formats différents de message dont la longueur est de 192 bits.

 3.6 – Le message à destination d’une intelligence extraterrestre

 Les sondes Pioneer F et G étant les premières sondes spatiales destinées à quitter le système solaire et à se diriger vers d’autres étoiles, Eric Burgress, Carl Sagan et son épouse Salzman Sagan proposent à la NASA d’utiliser ces sondes pour transporter un message à destination d’un hypothétique représentant d’une intelligence extraterrestre qui serait amener à rencontrer une de ces deux sondes.

La NASA s’avère intéressée par l’initiative et une plaque est placée sur les deux sondes. Sur cette plaque d’aluminium doré d’une largeur de 229 mm, d’une hauteur de 152 mm et d’une épaisseur de 1,27 mm sont gravés (Cf. figure n° 16) un homme et une femme, un dessin de la sonde, le système solaire avec la trajectoire approximative suivie par la sonde, la transition hyperfine (transition de spin de l’électron) d’un atome d’hydrogène et enfin un graphe permettant de donner la position relative de notre étoile, le Soleil, par rapport au centre de la galaxie et de 14 pulsars.

Figure 16 – plaque Pioneer-10

Afin d’éviter l’érosion par les micrométéorites de cette gravure, profonde de seulement 0,381 mm, la plaque est montée avec la face gravée tournée vers l’intérieur de la sonde (Cf. figure n° 17).

Figure 17 – Position plaque sous la parabole de l’antenne grand gain

3.7 – L’instrumentation scientifique

 La sonde Pioneer F emporte onze instruments représentant une masse totale de 29,6 kg et consommant 24,3 Watts. Avant de décrire ces instruments, rappelons les objectifs scientifiques de cette mission qui concernent la planète Jupiter elle-même mais aussi la ceinture principale d’astéroïdes et l’espace interplanétaire.

Pour la planète Jupiter, Pioneer F a mission de :

  • Cartographier son champ magnétique
  • Mesurer la distribution des électrons et protons de haute énergie piégés dans les ceintures de radiations joviennes et observer d’éventuelles aurores
  • Chercher l’origine des ondes radio décimétriques et décamétriques émanant de Jupiter et de son proche environnement
  • Détecter et mesurer l’onde de choc du vent solaire avec la magnétosphère de Jupiter
  • Vérifier l’équilibre thermique de la haute atmosphère jovienne ainsi qu’en mesurer le profil de températures
  • Mesurer la rapport hydrogène / hélium dans l’atmosphère
  • Etablir la structure de l’ionosphère et de l’atmosphère
  • Mesurer l’intensité, le spectre et la polarisation de la lumière réfléchie par Jupiter
  • Réaliser des images de la planète ainsi que de ses principaux satellites
  • Améliorer la précision des données massiques et trajectographiques de Jupiter et de ses lunes.

Pour la ceinture principale d’astéroïdes se situant entre les orbites de Mars et Jupiter, Pioneer a pour objectifs de :

  • Déterminer les caractéristiques des petites particules y évoluant (taille, masse, flux, vitesse et trajectoire orbitale)
  • Déterminer les probabilités de collision avec la sonde

Enfin pour l’espace interplanétaire, Pioneer F doit s’attacher à :

  • Cartographier le champ magnétique interplanétaire
  • Etudier le vent solaire (gradient radial, structure et fluctuations)
  • Etudier les flux de particules chargées de haute énergie d’origine solaire ou galactique (gradient radial et transverse, direction d’arrivée)
  • Examiner les interactions entre vent solaire, champ magnétique et rayons cosmiques
  • Rechercher la frontière et la forme de l’héliosphère
  • Déterminer la densité d’hydrogène neutre
  • Déterminer les propriétés de la poussière interplanétaire

Figure 18 – Emplacements des instruments scientifiques

Passons en revue les onze instruments embarqués pour atteindre ces objectifs scientifiques.

Le magnétomètre vectoriel à hélium (HVM) développé par le JPL. Cet instrument est identique à ceux embarqués sur les sondes Mariner 4 et 5. Il dispose de 8 gammes de mesure permettant de mesurer des champs magnétiques aussi faibles que 0,01 gamma que des champs intenses allant jusqu’à 1,4 gauss (140 000 gammas). Les bandes de mesure sont sélectionnées par les équipes au sol mais aussi automatiquement par l’équipement suivant l’environnement rencontré. Le magnétomètre, d’une masse de 2,6 kg et consommant 5 Watts, est placé à l’extrémité d’une poutre à 6,5 mètres du centre de la sonde. Son électronique est, quant à elle, placée dans le compartiment de la sonde dédié aux instruments scientifiques.

Figure 19 – Magnétomètre à droite et son électronique

L’analyseur de plasma (PA) développé par le Centre Ames de la NASA pour l’étude du vent solaire. D’une masse de 5,5 kg et consommant 4 Watts, cet équipement mesure en haute résolution les flux des ions de hautes énergies (100 à 18 000 électron-volts) et en moyenne résolution les flux des ions d’énergie comprise entre 100 et 8 000 électron-volts et des électrons de basse énergie (1 à 500 électron-volts).

Figure 20 – Analyseur de plasma

Le détecteur de particules chargées (CPI) mis au point par l’Université de Chicago. Il est en fait constitué de quatre systèmes de mesure. Deux dédiées aux phases interplanétaires pour aider à discriminer ls particules d’origine solaire de celles d’origine galactique. Les deux autres systèmes de mesure ont été optimisés pour caractériser les flux des particules chargées piégées par la magnétosphère de la planète Jupiter. Sa masse totale est de 3 kg et sa consommation électrique est de 2,4 watts.

Figure 21 – Détecteur de particules chargées

Le détecteur de rayons cosmiques, construit par le Goddard Space Flight Center de la NASA, complète les mesures effectuées par le détecteur de particules chargés. D’une masse de 3,2 kg, il consomme 2,2 watts.

Figure 22 – Détecteur de rayons cosmiques

L’instrument GTT (Geiger Tube Telescope) est un compteur Geiger chargé de déterminer l’intensité, le spectre énergétique et la distribution angulaire des électrons et des protons durant la traversée des ceintures de radiations de Jupiter. Conçu par l’Université d’Iowa, il pèse 1,6 kg et ne consomme que 0,7 Watts.

Figure 23 – L’instrument GTT

Le détecteur de particules chargées piégées (TRD), développé par l’Université de Californie à San Diego, qui a pour objectif d’aider à corréler l’environnement de particules chargées piégées par la magnétosphère jovienne et les émissions radio joviennes. Sa masse est de 1,7 kg et sa consommation électrique est de 2,9 watts.

Figure 24 – Détecteur de particules chargées piégées

Le détecteur d’astéroïdes (Sisiphus), fabriqué par la société General Electric, d’une masse de 3,3 kg et consommant 2,7 W, est pour sa part chargé de mesurer la densité des astéroïdes présents dans la ceinture principale d’astéroïdes. Cet instrument comprend 4 télescopes non imageurs et de l’électronique associée.

Figure 25 – Electronique instrument Sisiphus

Figure 26 – Instrument Sisiphus – Les 4 télescopes

Le détecteur de micrométéorites, conçu par le centre Langley de la NASA, est constitué de 12 panneaux montés sur la face arrière de l’antenne parabolique grand gain. La masse totale n’est que 1,7 kg et la consommation électrique très modeste (0,7 W).

Figure 27 – Une plaque du détecteur de micrométéorites

Figure 28 – Electronique du détecteur de micrométéorites

Figure 29 -Vue sur les plaques du détecteur de micrométéorites

Le photomètre ultraviolet (UP), développé par l’Université de Californie du Sud, a pour objectif de déterminer les quantités d’hydrogène et d’hélium présents dans l’espace interplanétaire et dans l’atmosphère de Jupiter. Sa masse est de seulement 0,7 kg et sa consommation est 0,7 Watts.

Figure 30 – Photomètre ultraviolet

Le radiomètre infrarouge, fabriqué par le California Institute of Technology (Caltech), a pour objectif de mesurer la température des nuages de Jupiter mais aussi la chaleur évacuée dans l’espace par la planète. D’une masse de 2 kg, il consomme 1,3 watts.

Figure 31 – Radiomètre infrarouge

Le photopolarimètre imageur (IPP) exploite la rotation de la sonde pour prendre des photographies larges de 0,03° avec des filtres bleu et rouge permettant de reconstituer des images complètes de la planète Jupiter et de ses lunes. C’est l’Université d’Arizona qui a développé cet instrument qui pèse 4,3 kg et consomme 2,2 Watts.

Figure 32 – Le photopolarimètre imageur

 

Figure 33 – Principe de fonctionnement du photopolarimètre imageur

 

4 – Déroulement de la mission de Pioneer 10

4.1 – Le lancement

Dès décembre 1971, le lanceur Atlas-Centaur D (AC 27) est érigé sur le pad de tir 36 de Cap Canaveral. Au mois de janvier 1972, la sonde Pioneer F est transportée par voie aérienne de la Californie, où elle a été intégrée, à Cap Canaveral. La fin du mois de janvier et le mois de février 1972, la sonde Pioneer F est préparée pour son lancement avec l’installation des quatre générateurs thermoélectriques à radioisotopes (RTG) et le remplissage de son réservoir d’hydrazine.

Ces opérations d’intégration réalisées, la sonde peut alors être placée sur le moteur à propergol solide TEM-364-4 qui lui permettra de s’élancer vers la planète Jupiter. Pour mémoire, le moteur TEM-364-4, d’une poussée de 66,7 kN, a été précédemment utilisé pour freiner les sondes Surveyor lors de leur alunissage. Vient ensuite la mise sous coiffe.

Figure 34 – Installation Pioneer F sur le moteur TEM-364-4

 

Figure 35 – Mise sous coiffe de Pioneer F

Figure 36 – Atlas Centaur 27 sur le pad de tir 36 de Cap Canaveral

La fenêtre de lancement s’ouvre le 25 février jusqu’au 20 mars. Par trois fois, les 28 et 29 février et le 2 mars, la tentative de lancement est arrêtée à cause de la présence de forts vents en altitude. Enfin la situation météorologique s’améliore et la NASA peut procéder au lancement de Pionner F le 2 mars 1972. La fusée Atlas Centaur décolle à 1 h 49 mn 4s (UTC). Avec ce lancement, Pioneer F devient Pioneer 10. 11 minutes et 46 secondes après le décollage, l’étage Centaur s’arrête alors que son altitude est de 161 kilomètres et que sa vitesse atteint les 10 262 mètres par seconde. L’étage Centaur est alors mis en rotation à une vitesse de 60 tours par minute avant que soit largué le moteur TEM-364-4 surmonté de Pioneer 10. 13 minutes et onze secondes après le décollage le moteur TEM-364-4 est mis à feu pendant 44 secondes permettant d’accélérer Pioneer 10 jusqu’à la vitesse de 14,356 kilomètres par seconde, une vitesse encore jamais atteinte par un engin lancé par l’homme. Pioneer 10 est en route pour Jupiter.

Figure 37 – Lancement de Pioneer 10

4.2 – En route vers Jupiter

Le moteur TEM-364-4 est largué et Pioneer 10 prend petit à petit vie. Sont ainsi déployés les deux poutres portant les RTG et le mât supportant le magnétomètre. Ces déploiements permettent de réduire la vitesse de rotation de la sonde à 5 tours par minute.

Alors que seulement 11 heures et 40 minutes se sont écoulées depuis le décollage, la sonde Pioneer dépasse l’orbite lunaire. Le 5 mars, alors que Pioneer 10 est distant de 1,6 millions de la Terre, les contrôleurs au sol ajustent la vitesse de rotation de la sonde à 4,8 tours par minute.

Le 7 mars, alors que la Terre est déjà à 3,6 millions de kilomètres, Pioneer 10 réalise sa première correction de trajectoire. D’une 8 minutes et 7 secondes, cette manœuvre permet de modifier la vitesse de la sonde de 14 mètres par seconde. Elle se trouve alors à 3,6 millions de kilomètres de la Terre. Une seconde manœuvre est effectuée le 26 mars pour ajuster de 3,3 mètres par seconde la vitesse de Pioneer 10.

4.3 – La traversée de la ceinture principale d’astéroïdes

C’est le 15 juillet 1972 qu’entre Pioneer 10 dans la ceinture principale d’astéroïdes qui s’étend entre les orbites de Mars et Jupiter. La sonde passe à 9 millions de kilomètres d’un astéroïde, large d’un kilomètre, non encore baptisé. Le 2 décembre 1972, Pioneer passe à une distance équivalente de l’astéroïde Nike dont la taille atteint 58 kilomètres. Hélas la sonde n’est pas en mesure de prendre des images de ces astéroïdes car ces derniers ne sont pas dans le champ de vision du photopolarimètre imageur.

Figure 38 – Ceinture principale d’astéroïdes

Pendant la traversée de la ceinture, Sisiphus, le détecteur d’astéroïdes, enregistre 283 évènements considérés comme la détection supposée d’astéroïdes. Cependant les données collectées sont insuffisantes pour déterminer l’orbite de ces objets. Ainsi certains spécialistes en concluent que ces événements ne sont que du bruit dû à un disfonctionnement de l’appareil Sisiphus. D’autres spécialistes rejettent cette interprétation car Sisiphus a réussi à détecter la planète Jupiter et l’étoile Alpha Centauri.

Les détecteurs de micrométéorites enregistrent pour leur part 55 impacts malgré l’indisponibilité de 126 des 234 cellules de détection induite par la panne de l’unité d’acquisition des données. Cependant les données des 108 détecteurs opérationnels permettent aux scientifiques de s’accorder sur une densité très faible des poussières dans la ceinture principale d’astéroïdes et que cela ne représente pas de danger pour les futures missions devant explorer le système solaire supérieur.

Notons enfin que lors de cette traversée, le photopolarimètre imageur prouve l’origine « astéroïdale » de la lumière zodiacale en détectant une chute brutale de la sa luminosité dès la sortie de la ceinture principale d’astéroïdes en février 1973.

4.4 – Le survol de Jupiter

Le 6 novembre 1973, Pioneer 10 prend sa première vue de Jupiter dont elle est distante de 25 millions de kilomètres. Deux jours après, la sonde croise l’orbite de Sinope qui est à l’époque le satellite de Jupiter connu pour être le plus éloigné de la planète.

Le 26 novembre, les équipements scientifiques de Pioneer 10 détecte une chute brutale de 420 km/s à 250 km/s de la vitesse du vent solaire ainsi qu’une baisse d’un facteur 100 de sa température. La sonde vient en fait de traverser la zone de choc entre le vent solaire et la magnétosphère jovienne. Cet événement intervient alors que Pioneer 10 est encore à 6,4 millions de kilomètres de Jupiter, ce qui correspond à une distance double de celle envisagée par les scientifiques.

Le 2 décembre 1973, Pioneer 10 commence à prendre des images dont la résolution est meilleure que celle des télescopes installés sur Terre.

16 heures avant son passage au périastre jovien de sa trajectoire, Pioneer 10 croise le satellite Callisto à une distance de 1,42 millions de kilomètres. 4 heures plus tard c’est au tour du satellite Ganymède d’être approché à 440 000 kilomètres.

Pioneer 10 n’est plus qu’à 6,4 heures de son passage au plus près de Jupiter quand elle survole le satellite Europe à une distance de 330 000 kilomètres. 3 heures plus tard Pioneer 10 passe à 340 000 kilomètres d’Io, le dernier satellite galiléen de Jupiter.

Alors qu’il ne reste que 2 heures avant d’atteindre le périastre jovien de sa trajectoire, le radiomètre infrarouge de Pioneer 10 voit enfin entrer dans son champ de vision le disque de Jupiter. Pendant 82 minutes cet instrument va mesurer la température au sommet des nuages joviens.

Il est 2 h 26 (UTC) le 4 décembre 1973 lorsque Pioneer passe au périastre de sa trajectoire. La sonde n’est alors qu’à seulement 132 000 kilomètres au-dessus des nuages de la planète géante et sa vitesse relative est de 35 kilomètres par seconde.

Les mesures de vitesse et des données de trajectographie collectées lors de ce survol conduisent les scientifiques à réviser légèrement à la baisse la masse de la plus grosse planète du système solaire.

10 minutes après son rase-motte de la planète géante, Pioneer 10 passe à 30 000 kilomètres du petit satellite Amalthea. 6 minutes s’écoulent avant que le satellite Io occulte pendant une minute la liaison entre Pioneer 10 et la Terre. Cette occultation permet aux scientifiques de détecter une atmosphère autour de ce satellite ainsi qu’une ionosphère qui culmine jusqu’à 700 kilomètres d’altitude.

Figure 39 – Images de Jupiter par Pioneer 10

Figure 40 – Images des satellites galiléens par Pioneer 10

Soixante-dix-huit minutes se sont écoulées depuis le passage au périapse jovien lorsque Pioneer 10 passe derrière Jupiter. Cette occultation dure 1 heure 4 minutes et 56 secondes.

Le 2 janvier 1974, Pioneer 10 quitte la magnétosphère de Jupiter mettant fin à la phase de survol de la planète géante. Les équipes au sol s’engagent alors dans une nouvelle mission, celle d’accompagner la sonde vers sa sortie du système solaire.

4.5 – Vers la sortie du système solaire

Pioneer 10 dépasse l’orbite de Neptune, planète la plus éloignée à l’époque du Soleil, le 13 juin 1983. Le JPL va poursuive le suivi de la sonde jusqu’au 31 mars 1997, date à laquelle la NASA décide de mettre fin à la mission de la sonde tout en la laissant en fonctionnement. Ce choix permettra au JPL de diriger les antennes du réseau DSN vers la sonde pour recevoir la télémétrie émise par la sonde.

Ainsi le 2 mars 2002, le JPL est en mesure de recevoir pendant 39 minutes la télémesure émise par Pioneer 10 alors qu’elle se trouve à une distance de 79,83 Unités Astronomiques. La dernière réception réussie des données télémétriques de Pioneer 10 intervient le 27 avril 2002. Ce dernier contact dure 33 minutes. La sonde se trouve alors à 12 milliards de kilomètres.

Le 23 janvier 2003, le JPL capte un signal très faible en provenance de Pioneer 10. Le 7 février 2003 le JPL n’arrive pas à entrer en contact avec la sonde. Une dernière tentative de réception d’un signal en provenance de l’engin intervient le 4 mars 2003 sans succès ; près de 31 années se sont écoulées depuis le lancement. Pioneer 10 poursuit à présent en silence son voyage vers les étoiles.

Figure 41 – Croissant jovien photographié par Pioneer-10 alors que la sonde s’éloigne de la planète

5 – Les principaux résultats scientifiques obtenus grâce au survol de la Jupiter par Pioneer 10

Le premier résultat scientifique à mettre au crédit de Pioneer 10, premier éclaireur du système jovien, est la découverte de la grande taille de la magnétosphère de Jupiter. Les données collectées par la sonde montrent que la planète géante dégage un excédent significatif de chaleur.

Les premières mesures de température et de la pression atmosphérique de Jupiter sont réalisées. Pioneer 10 permet aussi une première évaluation de la proportion d’hélium présent dans l’atmosphère de la géante gazeuse. Grâce aux observations de la sonde, la grande tache rouge s’avère être située au-dessus des nuages.

Les données trajectographiques collectées pendant le survol permettent de modéliser plus précisément le champ gravitationnel de la planète et d’en déduire la densité de la géante gazeuse. Les scientifiques ont ainsi pu en déduire que la planète ne dispose que d’un très petit noyau rocheux, voire aucun.

Enfin, ce survol du système jovien par Pioneer 10 a autorisé la captation des premières photos des satellites Io, Europe, Callisto et Ganymède, avec une résolution de 170 à 400 kilomètres. Ces images couplées aux données trajectographiques ont permis de mesurer plus précisément la taille et la masse de ces quatre satellites découverts par Galilée. Enfin les scientifiques découvrent que le satellite IO est doté d’une ionosphère.

6 – Bibliographie – Webographie

  • Pioneer Odyssey (SP-349/396) – Revised Edition – Richard O. Fimmel – William Swindell – Eric Burgess – NASA – 1977
  • Jupiter Odyssey – The story of NASA’s Galileo Mission – David M. Harland – Springer – Praxis
  • Robotic Exploration of the Solar System – part 1 – Golden Age 1957 – 1982 – Paolo Ulivi with David M. Harland – Springer – Praxis
  • Revue Aviation Week & Space Technology
  • Revue Air & Cosmos
  • Sites internet de la NASA (Ames, Goddard, JPL)

 

 

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