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12 avril 1981 – Premier vol du Système de Transport Spatial américain

Par Yves Blin (Président de l’iFHE)

Le 12 avril 1981, la navette spatiale Columbia décollait du pad 39-A du Centre Spatial Kennedy pour effectuer le premier vol d’essai du système de transport spatial américain. Le présent article est composé de deux parties. La première s’attarde sur la genèse de ce système de transport spatial. Quant à la seconde elle se concentre sur le vol historique de Columbia.

1 – Du transporteur spatial à la navette

Aux Etats Unis d’Amérique, alors même qu’aucun satellite n’a encore été placé en orbite, sont menés des travaux exploratoires sur des véhicules spatiaux capables d’assurer de manière la plus souple possible le transfert, dans les deux sens entre la Terre et une orbite, de matériels et d’hommes. Les ingénieurs allemands, à l’origine de la construction de la tristement célèbre V2 et qui se sont rendus à l’armée américaine en 1945, sont les principaux instigateurs de ces études. Ainsi, Wernher Von Braun propose dans un court article « Across the last frontier », paru dans le numéro de mars 1952 du magazine Collier’s, un grand programme spatial de station orbitale desservie par des navettes réutilisables. En 1956, c‘est au tour de Dornberger et Ehricke de présenter un projet d’avion-fusée bi-étage à oxygène et hydrogène liquides capable de relier New-York à Londres en 1 h 15 avec à bord quelques dizaines de passagers.

Illustration de l’article « Crossing the last frontier”

En 1963, en Europe, sous l’impulsion d’Eugen Sanger, un groupe « transporteur spatial » est créé au sein de l’association Eurospace. Ce groupe imagine un lanceur bi-étage dont le 1er étage est réutilisable jusqu’à 50 fois. Ce lanceur décolle à l’horizontale d’une piste d’aérodrome propulsé par un combiné turbo-statoréacteur. Vers Mach 4/5, le 2ème étage se sépare pour gagner l’orbite terrestre alors que le 1er étage revient atterrir sur son aérodrome de départ. Le 2ème étage piloté par un équipage de deux astronautes peut transporter 2,5 tonnes de fret vers une station orbitale. La mission de ravitaillement effectuée, le 2ème étage revient sur Terre en atterrissant sur une piste d’aérodrome. Une version tri-étage, avec le 2èmeétage non récupérable, est aussi étudiée.

Projet MUSTARD

Au Royaume-Uni, de 1964 à 1970, la British Aircraft Corporation se penche sur le concept « MUSTARD » de lanceur bi-étage. Ce projet s’appuie sur la mise en œuvre de trois engins identiques d’une masse unitaire de 142 tonnes. Deux engins constituent le 1er étage, le 3ème jouant le rôle de 2ème étage. Les trois engins sont mis à feu au décollage. Avant que les deux engins constituant le 1er étage n’épuisent leurs ergols, un transfert de ces derniers est réalisé vers le 3ème engin jouant le rôle de 2ème étage. Le chargement en ergols de ce 3ème engin effectué, les deux engins constituant le 1er étage se séparent laissant le 3ème rejoindre l’orbite et reviennent sur leur base de lancement propulsés par des turboréacteurs fonctionnant à l’hydrogène liquide.

 

 

Ce programme particulièrement original est arrêté en 1970 quand le gouvernement britannique décide de participer au programme Post-Apollo de la NASA qui va déboucher sur le développement de la navette spatiale.

Jusqu’en 1968, de nombreuses études sont diligentées aux USA pour préparer un futur système de transport spatial. Au-delà des projets de véhicules orbitaux revenant sur Terre en vol plané comme le X20 Dyna Soar de l’armée de l’air américaine, trois séries de prototypes, le X-15, le XB-70 Valkyrie et le SR-71, contribuent à accumuler de multiples données pour les vols atmosphériques en haut supersonique et en hypersonique dont la maîtrise est essentielle pour une rentrée atmosphérique planée.

Au moment où la NASA rentre dans la dernière ligne droite pour poser un homme sur la Lune, des contrats d’étude de faisabilité (phase A) d’un futur système de transport spatial sont passés par l’agence spatiale américaine, le 31 janvier 1969, à quatre industriels :

  • North American Rockwell pour conduire une étude visant à arrêter les principales caractéristiques d’un engin le plus économique possible,
  • McDonnell Douglas pour proposer différents types de véhicules récupérables,
  • General Dynamics pour déterminer l’intérêt de récupérer l’étage inférieur,
  • Lockheed Martin pour proposer un engin à un étage et demi.

Les objectifs de ces études en 1969 étaient de déterminer les conditions techniques et programmatiques pour disposer vers 1974 d’un véhicule IRLV, pour Integral Launch and Reentry Vehicle, capable d’assurer le soutien logistique d’une station en orbite terrestre grâce à une capacité d’emport d’une charge utile de 23 tonnes ou de transport de 12 astronautes avec un coût de 100 dollars par kilogramme transporté. A la fin de l’année 1969, la majorité des études converge sur un véhicule bi-étage piloté entièrement récupérable décollant verticalement et brûlant de l’oxygène et de l’hydrogène liquides d’une masse de l’ordre de 1800 à 1900 tonnes au décollage. La mise en service opérationnelle glisse à 1977 pour un coût estimé du programme de 10 milliards de dollars.

Les projets de système de transport spatial proposés fin 1969

Sur ces bases, la NASA attribue, en mai 1970, un contrat pour les études de phase B à deux groupes d’industriels, l’un mené par McDonnell Douglas et l’autre sous la coupe de North American Rockwell. Cependant ces travaux mènent à des concepts consolidés dont le coût explose à 14 milliards de dollars. Dès le 15 juin 1970, la NASA décide de remettre totalement à plat le concept de système de transport spatial en lançant de nouvelles études de phase A. auprès de Grumman-Boeing pour une navette d’un étage et demi (navette réutilisable avec réservoirs largables), Lockheed-Martin pour rechercher la solution optimale en termes de capacité de déport latéral pour un engin à un étage et demi et enfin Chrysler pour défricher le concept d’une navette récupérable mono-étage.

En 1971, sous la pression d’un budget en forte réduction, la NASA abandonne définitivement le concept d’engin bi-étage piloté entièrement récupérable. Elle s’oriente alors sur la solution proposée par Grumman-Boeing d’une navette à réservoirs largables. Mais le coût d’un tel programme étant encore de 7 milliards de dollars, la NASA décide de prolonger jusqu’à février 1972 l’ensemble des études de phase A et B à l’exception de l’étude menée par Chrysler. En juillet 1971, l’agence spatiale américaine passe cependant le contrat de développement et d’essais des moteurs principaux de la future navette à Rocketdyne, division de North American Rockwell.

Le projet de North American Rockwell retenu par la NASA le 26 juillet 1972

A la suite de la décision du président Nixon, le 5 janvier 1972, d’engager le programme « Space Transportation System » (STS), James C. Fletcher, administrateur de la NASA à l’époque, fige le 15 mars 1972 l’architecture de ce système. Il retient deux boosters à ergols solides, si possible récupérables, placés de part et d’autre d’un réservoir largable chevauché par une navette orbitale. Il fait aussi le choix d’un allumage au décollage des boosters et des moteurs principaux de la navette. Fin mars 1972, la NASA confie à Rocketdyne la production des moteurs principaux de la navette. Enfin le 26 juillet 1972, la NASA retient le projet de North American Rockwell. Le contrat d’un montant de 2,6 milliards de dollars couvre la fabrication de deux navettes orbitales opérationnelles, d’un modèle de test et les coûts liés au rôle d’intégrateur du système complet. La navette orbitale retenue peut placer 29,5 tonnes en orbite basse et dispose d’une soute longue de 18,3 m pour un diamètre de 4,57 mètres. La navette orbitale a une capacité de déport latéral par rapport à la trace orbitale de 2350 km.

 

En 1973, la NASA choisit la société Thiokol pour le développement et la production des boosters à ergols solides et l’entreprise Martin Marietta pour la conception et la fabrication du réservoir largable. Tout est alors en place pour viser les vols atmosphériques de la navette orbitale dès 1977 et un premier vol orbital en 1979. Si les vols atmosphériques, cinq au total, sont bien effectués entre août et octobre 1977 par la navette Entreprise, les difficultés de développement vont repousser le premier vol orbital au printemps de 1981.

2 – Le premier vol du Système de Transport Spatial (STS)

A – La mission et ses objectifs

La navette Columbia est le premier engin d’une flotte de 5 véhicules qui constitue le « Space Transportation System » (STS). Le vol du 12 avril 1981 est le premier d’une série de quatre vols d’essais prévus avant de déclarer opérationnel le Système de Transport Spatial.

Contrairement aux précédents systèmes spatiaux habités américains (Mercury, Gemini, Apollo), ce premier vol est habité. C’est en mars 1978 qu’est désigné l’équipage de deux astronautes pour cette mission inaugurale. John W. Young, vétéran de deux missions Gemini (Gemini 3 et 10) et de deux missions Apollo (Apollo 10 et. 16), est le commandant de bord pour ce vol. Il est secondé par Robert L. Crippen dont c’est la première spatiale. Crippen enregistre avant son vol sur Columbia 4090 heures de vol sur avions à réaction. Avant de rejoindre le corps des astronautes de la NASA en septembre 1969, il faisait partie du groupe de pilotes d’essais du programme spatial MOL de l’armée de l’air américaine (USAF) d’octobre 1966 jusqu’à l’arrêt du programme en juin 1969.

Pour ce premier vol d’essai, Columbia n’emporte comme charge utile dans sa soute que deux équipements actifs, le « Development Flight Instrumentation (DPI) » et l’ « Aerodynamic Coefficient Identification Package (ACIP) » et une collection d’échantillons de matériaux (Passive Optical Sample Assembly [POSA]) rassemblée sur la même palette portant le DPI.

Le POSA a pour objectif d’évaluer les contaminations susceptibles d’apparaître dans la soute de la navette.

Le DPI est composé de trois enregistreurs magnétiques et de l’électronique de traitement des signaux à enregistrer. Le DPI a une capacité d’enregistrer simultanément 24 pistes.

L’ACIP comprend notamment trois triades d’instruments, une triade d’accéléromètres linéaires, une triade d’accéléromètres angulaires et une triade de gyromètres. Les principaux objectifs de l’ACIP sont :

  • Collecter les données aérodynamiques pendant la phase de lancement, la rentrée atmosphérique et le vol atmosphérique jusqu’à l’atterrissage,
  • Permettre la constitution d’une base de données aérodynamiques en vue de leur vérification et leur corrélation avec les modèles et les mesures effectuées lors de tests au sol,
  • Fournir des données de dynamique du vol au profit des études de dynamique aérothermique et structurale

Schéma éclaté de l’expérience ACIP

Dans le cadre de ce premier vol, un avion de la NASA, le C-141 Gerald P. Kuiper Airborne Observatory, volant à 45 000 pieds, met en œuvre lors de la phase de retour sur Terre de la navette Columbia l’expérience IRIS (Infrared Imagery of Shuttle). IRIS est un télescope de 91,5 cm de diamètre prenant des images infrarouges haute résolution du dessous et des côtés de la navette. L’objectif est de collecter des données pour réduire le niveau d’incertitude sur la connaissance des phénomènes aérothermiques et de mieux dimensionner la protection thermique de la navette.

Expérience IRIS à bord du KC-141 Gerald P. Kuiper Airborne Observatory

Au-delà de ces expériences collectant des données pendant le vol avec des équipements dédiés, d’autres expériences s’appuient sur les données collectées par l’avionique et les senseurs de la navette ou par des contrôles au sol après le vol. Ces expériences sont :

  • CSE – Catalytic Surface Effects
  • DATE – Dynamic, Acoustic and Thermal Environment Experiment
  • SEADS – Shuttle Entry Air Data System
  • SILTS – Shuttle Infrared Leeside Temperature Sensing
  • SUMS – Shuttle Upper Atmospheric Mass Spectrometer
  • TFI – Technology Flight Instrumentation
  • TGH – Tile Gap Heating Effects Experiment

B – La préparation au lancement

La navette Columbia arrive au Kennedy Space Center (KSC), en provenance du Dryden Flight Research Center en Californie, sur le dos du Boeing 747-STA (Shuttle Carrier Aircraft) le 24 mars 1979. Dès son arrivée, Columbia est transférée dans le bâtiment OPF (Orbiter Processing Facility) dédié à la préparation pour le vol de la navette. Au-delà des multiples contrôles et essais des différents système de la navette, il est procédé dans cette enceinte à la finalisation de la mise en place de sa protection thermique.

Le réservoir externe arrive au KSC par barge depuis le Michoud Assembly Facility (Nouvelle-Orléans) en juillet 1979. Sa préparation en vue de son assemblage avec les boosters et la navette prend place dans la baie n°4 du Vehicle Assembly Building (VAB) du KSC.

L’assemblage du véhicule composite (boosters, réservoir externe, navette) constituant le système de transport spatial débute dès décembre 1979, dans la baie n°3 du VAB du KSC, avec la mise en place des deux boosters à propergol solide sur la plateforme mobile de lancement.Le réservoir externe est accouplé aux deux boosters au début du mois de novembre 1980. La navette Columbia est transférée dans le VAB le 24 novembre 1980 pour être fixée sur le réservoir central. Un test global du véhicule composite STS-1 est mené, en décembre 1980, pour vérifier l’ensemble des connections électriques et mécaniques mais aussi le bon fonctionnement des différents systèmes.

Transfert de Columbia vers le pad de tir 39A le 29 décembre 1980

L’engin STS-1 (boosters, réservoir externe, navette Columbia) est transféré avec sa plateforme mobile de lancement du VAB au pad de tir 39A le 29 décembre 1980 en vue de sa préparation au tir. Les interfaces entre l’engin et les installations du pad de tir sont validées en janvier 1981 avant la réalisation d’une série d’essais de remplissage du réservoir externe. La préparation au tir de l’engin STS-1 est validée par une mise à feu pendant 20 secondes des trois moteurs principaux de la navette Columbia le 20 février 1981. Après ces essais, la NASA procède à la réparation d’une petite partie de la protection thermique du réservoir externe qui s’est décollée lors d’un essai de remplissage/vidange du réservoir qui s’est tenu en janvier 1981.

En mars 1981 prend place la répétition générale du lancement avec les astronautes Young et Crippen à bord de la navette Columbia mais avec le réservoir externe vide. Son bon déroulement conduit au feu vert pour un lancement le 10 avril 1981.

C – Déroulement de ce premier vol

Les astronautes Young et Crippen arrive au Kennedy Space Center le 8 avril 1981 en vue du lancement le 10 avril. 31 secondes avant le lancement, au moment où la navette Columbia prend le plein contrôle de ses systèmes, une erreur de synchronisation entre les 4 calculateurs de vol et le calculateur de secours conduit à l’arrêt de la séquence de tir et finalement à l’annulation du lancement qui est reporté au 12 avril. Les deux astronautes, restés allongés dans leur siège éjectable les cuisses tournées vers le haut pendant 6 heures et demie, sortent très fatigués comme le signale Young dans ses mémoires. Il demande à la NASA de ne pas tenter de lancement si les astronautes sont en attente dans la navette spatiale dans cette position inconfortable depuis 6 heures.

Le 12 avril 1981, 20 ans jour pour jour après le vol historique de Youri Gagarine, la navette Columbia et ses deux pilotes rentrent dans l’histoire. Il est 7 h 0 mn 3,9 s (heure côte Est des USA) quand Columbia décolle du pad de tir 39A du Kennedy Space Center. Sous la poussée de 3100 tonnes générée par les boosters et les 3 moteurs de la navette, le véhicule, dont la masse au décollage est de 2019,5 tonnes, dépasse rapidement la tour de lancement sous une accélération de 1,5 g. Pendant ces premières secondes de vol l’ensemble du véhicule est soumis à de fortes vibrations autour de 10 Hz de fréquence qui rendent compliquée la lecture des instruments de vol par les astronautes.

Décollage de Columbia le 12 avril 1981

56 secondes après le décollage le maximum de pression dynamique intervient. Cette pression maximale se révèlera après exploitation des données de vol supérieure de 3,4 % à celle attendue. Comme prévu pour limiter ce maximum les trois moteurs de Columbia voit leur poussée à 65% avant d’être autorisés de repasser en poussée maximale.

Récupération d’un des boosters

Les boosters à propergol solide sont largués 130,4 secondes après le décollage à une altitude proche de 45 km soit 3 km au-dessus de ce qui était prévu par suite d’une performance supérieure des boosters. Grâce à leurs trois parachutes, les boosters effectuent une descente contrôlée jusqu’à leur amerrissage dans l’océan Atlantique 7 mn 10 s après le décollage. Les navires chargés de leur récupération les retrouvent flottant à la verticale confirmant leur amerrissage dans d’excellentes conditions.

 

 

La navette Columbia toujours accrochée au réservoir externe continue son vol sous la poussée maximale de ses 3 moteurs principaux. Quand l’accélération atteint 3 g la poussée des moteurs est ajustée pour maintenir ce niveau d’accélération afin de limiter les contraintes mécaniques. 6 secondes avant la fin programmée de fonctionnement des moteurs principaux de Columbia, leur poussée est ramenée à 65 % de leur poussée maximale. Les 3 moteurs de Columbia sont finalement arrêtés 8 mn 34,4 s après le décollage.  Les moteurs principaux de la navette sont alors placés dans la position prévue pour la phase orbitale du vol. Cette action conduit à un mouvement de tangage de l’ordre de 5° qui est contré par le système de contrôle d’attitude de la navette.

23,7 secondes après l’arrêt de ses moteurs principaux, la navette Columbia se sépare du réservoir externe. Le réservoir suit alors une trajectoire balistique qui le conduit à rentrer dans l’atmosphère au-dessus de l’océan indien. Le début de sa fragmentation va débuter dès 85 km d’altitude, 30 kilomètres plus haut que prévu.

Les 2 moteurs de manœuvres orbitales (OMS) de Columbia sont mis à feu une première fois 10 mn 34,1s après le décollage pour une durée de 86,3 secondes. Cette manœuvre réalisée, les astronautes procèdent à la vidange des lignes d’alimentation d’oxygène et d’hydrogène liquides des moteurs principaux. C’est un plus de 2300 kg d’ergols qui sont éjectés dans le vide conduisant à impulser un gain de vitesse de l’ordre de 3 m/s à la navette Columbia. Les deux OMS sont mis à feu une seconde fois 44 mn 2,1 s après le décollage pendant 75 secondes. Les deux mises à feu des OMS permettent de placer Columbia sur une orbite quasi circulaire (245,8 km au périgée et 247,6 km à l’apogée) inclinée à 40,3° par rapport à l’équateur.

Vue sur la partie arrière de Columbia. On y voit parfaitement les tuiles manquantes

Une heure est passée depuis le décollage, les deux astronautes sont autorisés à se libérer de leur siège éjectable. La suite des opérations consiste en la mise en configuration orbitale de Columbia avec la reconfiguration des logiciels de bord, l’alignement des centrales inertielles, l’ouverture des portes de la soute de Columbia et le déploiement des radiateurs nécessaires au contrôle thermique. C’est à ce moment que les astronautes découvrent que des tuiles de protection thermique manquent sur les parties supérieures des carénages protégeant les moteurs de manœuvre orbitale. Les astronautes filment avec leur caméra TV afin de permettre aux équipes au sol d’évaluer la criticité de la situation. Les analyses menées au sol sont rassurantes et la mission peut se poursuivre sans encombre.

 

5 heures après le début de leur mission les astronautes prennent un repas avant de se préparer pour deux nouvelles manœuvres orbitales. 6 H 20 mn 46,5 s après le décollage, les moteurs OMS sont mis à feu pendant 28,8 secondes. Un nouvel allumage des 2 OMS intervient 7 h 05 mn 32,5 s, pour une durée de 33,1 secondes. La réalisation de ces manœuvres permet l’insertion de Columbia sur une orbite plus haute dont le périgée est à 299,5 km d’altitude et l’apogée à 299,7 km.

Les astronautes procèdent ensuite à l’évaluation des performances du système de contrôle d’attitude. Après un nouveau repas et un échange avec les médecins au sol, les astronautes entament, 13 heures après le décollage, leur première période de sommeil.

21 h 30 après le début de leur mission, les astronautes sont de nouveau au travail pour poursuivre l’évaluation des performances des systèmes de la navette et en particulier celles du système de contrôle d’attitude jusqu’à la marque des 37 heures après le décollage où ils sont appelés à entamer leur deuxième période de sommeil.

Cela fait maintenant plus de 44 heures que Columbia a décollé du KSC, lorsque les astronautes entament la dernière ligne droite de leur mission qui doit aboutir à l’atterrissage de la navette sur la base aérienne d’Edwards.

Trajectoire de rentrée de Columbia

Après avoir mis en configuration la navette pour la phase de retour, au cours de la 36ème orbite, alors que la navette survole l’océan indien au large de la côte ouest de l’Australie, les astronautes procèdent, 53 h 31 mn 31,1 s après le début de la mission, à la manœuvre de désorbitation avec l’allumage des deux OMS pendant 2 mn 35 s.

 

 

31 minutes plus tard la navette entre pendant environ 6 minutes dans la zone de black-out (impossibilité possibilité de communication avec le sol à cause du plasma généré par la rentrée de la navette dans l’atmosphère). Pendant cette phase, la navette réalise une série de manœuvres en S pour casser sa vitesse. C’est alors que la navette se trouve au-dessus de la zone de Big Sur de la côte californienne que Young entre en contact avec Houston via un canal radio de la base aérienne d’Edwards. A cet instant Columbia vole à Mach 10,3 et est encore à 57 kilomètres d’altitude.

Trajectoire d’approche finale de Columbia

Finalement, le 14 avril 1981 à 10 h 20 mn 58 s (Heure côte ouest des Etats-Unis), Young pose Columbia sur la piste n° 23 de la base d’Edwards à une vitesse de 340 km/h avec un taux de descente de seulement 0,4 m/s. Columbia s’immobilise 2741 mètres après le toucher des roues. 16 minutes après l’atterrissage, les équipes au sol ont connecté la navette à un système sol de refroidissement. Il faudra attendre 1 h 8 mn après l’atterrissage pour voir sortir Young et Crippen de Columbia. Ce temps relativement long est lié à la détection de vapeurs toxiques à proximité l’écoutille par où devaient sortir les astronautes.

Atterrissage Columbia le 14 avril 1981.

Après cette mission inaugurale, Columbia repartira pour l’espace, pour la seconde mission du système de transport spatial, le 12 novembre 1981. Columbia devient alors le premier engin spatial habité réutilisé de l’histoire de l’astronautique. Elle partira finalement 28 fois vers l’orbite terrestre. La vie de Columbia se termine tragiquement lors du retour de ce 28ème vol avec sa désintégration pendant sa rentrée atmosphérique le 1er février 2003 due à la dégradation du bord d’attaque de son aile gauche induite par la collision d’un bloc de mousse isolante qui s’est détaché du réservoir externe au moment du lancement.

Sources :

  • First Space Shuttle Mission STS-1 – Press kit – Release N° 81-39 – March 18, 1981
  • Space Shuttle Program STS-1 Postflight Report – M-989-81-01. – May 12, 1981
  • The story of the space shuttle – David M. Harlan – Springer – ISBN 1-85233-793-1
  • Forever Young (A life of Adventure in Air. And Space) – John W. Young with James R. Hansen – University Press of Florida – ISBN 978-0-8130-4209-1
  • Cosmos Encyclopédie Tome 10 – Les navettes – Alain Souchier
  • Orbite – Bulletin de liaison du Cosmos Club de France –  Spécial 10 ans de la navette spatiale

 

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